Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
ARM

royaume, il parvint à se faire restituer quatre châtellenies, et obtint même une pension et une compagnie d’ordonnance. Enhardi par ce succès, il aggrava bientôt, par de nouvelles perfidies, le crime de sa première ingratitude. En butte à la haine publique par les violences qu’il exerçait contre ses voisins, il avait à sa solde une armée toujours subsistante, à l’entretien de laquelle il ne pouvait subvenir qu’en tolérant les excès des brigands qui la composaient. Louis XI savait d’ailleurs qu’il entretenait des intelligences avec l’Angleterre ; et qu’il fomentait de nouveaux troubles ; il lui offrit 10,000 livres s’il consentait a congédier ses gendarmes. D’Armagnac reçut les 10,000 livres, et conserva son armée. Louis, indigné, envoya contre lui des forces considérables. Le comte alla une seconde fois chercher un asile dans les terres du roi d’Aragon ; mais il ne perdit rien de son audace. Dépouillé encore une fois de ses biens, et condamné à mort par arrêt du parlement, il se jeta dans le parti du duc de Guienne, frère et ennemi de Louis XI, reprit à main armée ses anciennes possessions, et se vit en état, après la mort de son protecteur, arrivée en 1472, de se défendre, pendant quelque temps, contre l’armée royale. Louis XI, forcé de porter ailleurs ses armes, ne dédaigna même pas de traiter avec le comte d’Armagnac, et de lui accorder la jouissance de plusieurs villes, à condition qu’il y vivrait paisible ; mais le comte, incapable de changer, crut pouvoir profiter des embarras de son souverain pour s’emparer de Lectoure, regardé alors comme le boulevard de la Guienne et de la Gascogne. Son nom, son courage et la vie licencieuse qu’on menait à sa cour, lui avaient gagné la noblesse de Languedoc et de la Guienne, et, s’étant ménagé des intelligences dans Lectoure, il engagea Charles d’Albret, seigneur de St-Bazeille, à surprendre cette ville, qui tomba ainsi en son pouvoir. Enfermé dans cette forte place, qu’il avait eu le temps d’approvisionner, il semblait y défier le roi de France qui, n’osant dégarnir ses frontières du côté de la Bourgogne, se contenta d’envoyer contre le rebelle les milices des provinces méridionales, sous le commandement du cardinal Jouffroi, évêque d’Albi, et de Gaston du Lyon, sénéchal de Toulouse ; ils avaient ordre d’assiéger la place dans les formes. À l’approche des troupes royales, on conseilla au comte d’Armagnac d’abandonner Lectoure, et de se retirer dans quelque place du royaume d’Aragon, d’où il pourrait traiter en sûreté avec le roi ; mais le comte, qui se rappelait tout ce qu’il avait eu à souffrir pendant son premier exil, ne put se résoudre à s’exposer au même malheur. Il résolut de se défendre, espérant d’ailleurs qu’il surviendrait au roi des affaires qui l’obligeraient à rappeler ses troupes. Il soutint pendant deux mois, avec beaucoup de valeur, tous les efforts des assiégeants. Louis XI, voyant que la saison s’avançait, et que le roi d’Aragon profitait de la longueur du siége pour achever d’envahir le Roussillon, donna ordre au cardinal d’Albi d’entrer en négociations avec le comte d’Armagnac. Les conditions que proposa ce seigneur furent acceptées, en apparence, par le cardinal, qui, pour le mieux tromper, rompit une hostie consacrée, dont il prit une moitié et lui donna l’autre, comme une garantie de la capitulation. Déjà l’on commençait à en exécuter les articles, lorsque les troupes du roi, profitant de la sécurité des assiégés, s’introduisent dans la ville, pénètrent sans résistance dans le palais du comte, et le percent de plusieurs coups de poignard, dans les bras de Jeanne de Foix, son épouse légitime. Les femmes de la comtesse, et la comtesse elle-même, sont dépouillées par la soldatesque, la ville entière est abandonnée au pillage et livrée aux flammes, et tous les habitants égorgés sans pitié. Cet événement eut lieu le 5 mars 1473. Gorgias, qui avait porté le premier coup au comte, reçut de Louis XI une tasse d’argent remplie d’écus, et fut fait archer de la garde. Traînée prisonnière au château de Burzet, la comtesse d’Armagnac fut contrainte d’avaler un breuvage empoisonné, qui fit périr l’enfant qu’elle portait dans son sein, et la délivra elle-même, deux jours après, du fardeau de la vie. Charles d’Armagnac, frère de Jean V, enveloppé dans la même prescription, fut chargé de fers, traîné dans les prisons, appliqué à la torture, et remis entre les mains du parlement de Paris. Il touchait au moment d’être justifié de sa prétendue participation à la révolte de son frère, lorsqu’il fut tiré de la Conciergerie pour être livré à Philippe l’Huillier, gouverneur de la Bastille, qui l’enferma dans un cachot infect, et lui fit éprouver les plus cruels traitements. Ce ne fut qu’au bout de quatorze ans, sous la minorité de Charles VIII, qu’on lui rendit la liberté. Réduit à la plus déplorable détresse, il implora, à genoux, et fondant en larmes, la justice et les secours des états généraux du royaume, en 1484, pour être remis en possession de ses domaines, et mourut en 1497, après avoir fait une donation de ses biens au duc d’Alençon, son neveu. B-p.


ARMAGNAC (Jacques d’). Voyez Nemours.


ARMAGNAC (Louis d’). Voyez Nemours.


ARMAGNAC (George d’), fils de Pierre d’Armagnac, bâtard de Charles d’Armagnac, comte de l’Ile-en-Jourdain, fut élevé par les soins de Louis, cardinal d’Amboise, son parent, auquel il témoigna depuis sa reconnaissance, en lui faisant dresser un mausolée à Notre-Dame-de-Lorette. Il fut successivement évêque de Rhodes, et en même temps administrateur des évêchés de Vabres et de Lectoure, ambassadeur à Venise, à Rome, conseiller d’État, archevêque de Toulouse, associé, en qualité de co-légat, au cardinal de Bourbon, légat d’Avignon. Il sut, par sa bonne administration, gagner le cœur des peuples de ce petit État, et, par là, le conserver au saint-siége, au milieu des guerres civiles qui désolaient les provinces voisines. Paul III l’avait créé cardinal en 1544. Il succéda. en 1577, à Félicien Capiton, dans le siége d’Avignon, y fit plusieurs fondations religieuses, et y mourut en 1585, âgé de 84 ans. D’Armagnac protégea les gens de lettres ; il les faisait connaître à François Ier, et en avait plusieurs chez lui. C’était un homme très-attaché à la religion. Les Mémoires de Condé contiennent deux