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ARO

tale, il composa divers ouvrages que, par modestie, il ne voulut point faire imprimer, et mourut en 1499, laissant sa famille dans la même position sociale où sa naissance l’avait trouvée. Malgré le défaut d’ouvrages imprimés d’Arouet, on doit croire que ses travaux littéraires avaient obtenu de la réputation dans sa province, puisque Étienne Rousseau, enquêteur au bailliage de Loudun, qui vivait dans le même temps que lui, atteste que son contemporain était un grand poëte et que ses ouvrages étaient dignes de la presse. Un des amis de René Arouet, Antoine Dumoustier, sensible à sa mort, lit sur cet événement la pièce de vers suivante :


Muses, que pensiez-vous quand la mort l’a surpris ?
Étiez-vous, dites-moi, dans quelque profond somme ?
Parmi vous et les dieux il était d’un grand prix ;
Il a vécu comme eux ; il est mort comme un homme.
Mais lequel doit-on plus admirer ou pleurer ?
Admirer ses beaux ans, ou bien pleurer sa perte ?
Quant à moi, je ne puis me lasser d’admirer,
Non plus que de pleurer la mort qu’il a soufferte.
Non, ce n’est pas assez de répandre des pleurs ;
Ne restons après lui ; sa mort nous fait envie ;
Et suivons au tombeau, pénétrés de douleurs,
Celui dont on ne peut approcher de la vie[1].


Dumoustier-Delafond, descendant d’Antoine, auteur d’une histoire de la ville de Loudun, sa patrie, envoya à Voltaire les vers sur la mort de René Arouet, en lui faisant connaître que sa ville et St-Loup se disputaient l’honneur d’avoir été le berceau de sa famille. — Le grand homme à qui cet hommage était adressé répondit, le 27 avril 1778, à l’historien de Loudun, dans les termes suivants : « Monsieur, l’île de Délos eut son Apollon, la Sicile ses Muses, et Athènes sa Minerve. Les villes de Loudun et de St-Loup, à l’exemple des sept villes qui combattirent autrefois pour la naissance d’Homère, voudraient-elles aujourd’hui combattre pour le lieu de la naissance de nos ancêtres ? Je n’ai aucune voie de conciliation à leur proposer. Si cette découverte les intéresse, elles ne manqueront pas de moyens pour la faire. Les vers que dit Antoine Dumoustier, un de vos ancêtres, sur la mort de René Arouet, qui peut-être aussi fut un des miens, sont animés d’un caractère d’amitié qui fait honneur au cœur de celui qui les a écrits. Puisque vous travaillez à l’histoire de votre province, évitez avec soin le trop grand flegme de style assez ordinaire aux personnes qui, comme vous, par état ou par goût, s’appliquent aux mathématiques. Je suis, etc. » La famille Arouet, dont l’existence à Loudun est assez douteuse, continua à habiter St-Loup jusqu’au 18e siècle, c’est-à-dire jusqu’au moment ou l’aïeul, si ce n’est le père de Voltaire, vint se fixer à Paris. Samuel Arouet notamment était notaire à St-Loup de 1618 a 1641, et il existe encore dans une étude de cette ville une procuration donnée par un Arouet, marchand a Paris, à un Arouet de St-Loup, pour régler des affaires de famille. Les familles Deschamps et Gougeard, de Bressuire, ville peu éloignée de St-Loup, étaient alliées aux Arouet, et Voltaire reconnut cette parenté, lorsqu’il était à l’apogée de sa gloire. — La ville de St-Loup fut tellement glorieuse d’avoir été le lieu d’origine de l’un des plus beaux génies de son siècle, qu’à l’époque de la révolution, où les noms de saints furent prescrits, elle adopta celui de Voltaire, qu’elle conserva jusqu’au retour de l’ordre. Pour compléter ces détails, qui seraient minutieux pour tout autre nom, on doit ajouter que Marguerite d’Aumart, qui, de son mariage avec François Arouet, ancien notaire au Châtelet de Paris et trésorier de la chambre des comptes, eut l’auteur de la Henriade, n’était point d’une- famille noble du Poitou, comme le disent toutes les biographies ; il n’a existé dans cette province aucune maison patricienne de ce nom. F-T-E.


ARPAJON (Louis, marquis de Séverac, duc d’), général français sous Louis XIII, reçut neuf blessures au combat de Félissant, se distingue, en 1621, au siége de Montauban, et, par la défaite d’un corps de calvinistes, assura le Languedoc à l’autorité royale. Il contribua ensuite a défendre Casal, Mont-Ferrat et le Piémont. La Franche-Comté, Trèves, St-Omer et le Roussillon furent aussi témoins de son courage et de ses talents militaires. Lorsqu’en 1645, le sultan Ibrahim menaça Malte, d’Arpajon se signala pour la défense des chevaliers. Il fit prendre les armes a tous ses vassaux, leva 2,000 hommes à ses dépens, chargea quelques vaisseaux de munitions, et vint trouver le grand maître, Paul Lascaris Castellard, à la tête d’un-grand nombre de gentilshommes, ses parents ou ses amis, « lui présentant ainsi, dit Vertot, un secours si considérable, qu’il n’eût osé en espérer un semblable de plusieurs souverains. » Il fut nommé général, avec pouvoir de se choisir trois lieutenants généraux. Lorsque le danger fut passé, le grand maître, de l’avis du conseil, lui accorde plusieurs honneurs et privilèges, dont le plus remarquable fut qu’un de ses fils ou descendants serait reçu chevalier dès sa naissance, et grand-croix à l’âge de seine ans. Après l’extinction des mâles de la famille d’Arpajon, ces privilèges passèrent à la famille de Noailles. De retour en France, d’Arpadon fut nommé ambassadeur extraordinaire en Pologne, près de Ladislas IV, et favorise l’élection de Casimir, successeur de ce prince. En 1651, il fut créé duc par Louis XIV, et mourut en 1679, à Séverac, où il fut enterré. D-t.


ARPAJON (Louis, marquis d’), petit-fils du précédent, se montra très -jeune animé du sang de ses aïeux (lettres patentes de Louis XV, du mois d’octobre 1720), et s’éleva successivement, par tous les degrés militaires, au rang de lieutenant-général. Il se signala dans les Pays-Bas, au siége de Mons et devant Namur ; se trouva aux batailles de Nervinde, d’Hoschtett et d’Oudenarde, où il reçut deux blessures en chargeant jusqu’à cinq fois les ennemis. Employé en Espagne, il battit les Miquelets dans plusieurs affaires, lit attaquer les places d’Arens, Venasque, Castel-Léon et Tortose, dont il s’em-

  1. il est permis de croire que Dumoustier-Delafond a retouché ces vers et en a fait disparaître les expressions trop vieilles.