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princesse. Les deux époux continuèrent cependant être bien accueillis d’une partie de la haute société, et ils allèrent se consoler de ces désagréments dans la charmante terre de Brandebourg-House. La culture des lettres, et le soin d’embellir un séjour déjà magnifique, partagèrent tout leur temps. La margrave perdit son époux en 1806, et, devenue son héritière, elle continua d’habiter le même château et d’y déployer le même faste. En 1821, elle y donna un asile à la malheureuse épouse du prince régent, avec laquelle on a dit qu’elle avait plus d’un trait de ressemblance. (Voy. Caroline de Brunswick.) Parvenue à un âge très-avancé, la margrave d’Anspach était encore possédée de cette manie des voyages qui l’avait occupée toute sa vie ; elle en fit alors plusieurs en Allemagne, en France et en Italie. Après la chute de Napoléon, elle habita pendant quelques années une maison de campagne aux environs de Rome ; et ce dont on a lieu de s’étonner, c’est que cette maison fut constamment le rendez-vous des révolutionnaires de tous les pays. C’est à Naples que la margrave mourut, le 15 janvier 1828, à l’âge de 78 ans. La légèreté, la délicatesse d’esprit dont cette femme était douée, la rendaient plus propre à saisir les nuances des mœurs de la société qu’à sentir les grandes beautés de la nature. Cela parut clairement lorsqu’à Constantinople, encouragée par le duc de Choiseul, elle descendit dans la grotte d’Antiparos qu’aucune femme n’avait encore visitée. Ce spectacle ne produisit sur elle aucune impression. Elle écrivait en anglais, en français, en allemand, d’une manière élégante et originale. On doit à sa plume féconde une foule d’ouvrages dans tous les genres, tels que poésies, romans, comédies, voyages, prologues et épilogues. Ses vers sont assez jolis et ses romans agréables. Ses comédies ont le mérite de la gaieté, de la finesse ; mais elles manquent en général de force comique. Elles ont été pour la plupart jouées sur le théâtre d’Anspach et composées pour les plaisirs du margrave. Le Somnambule est une pièce imitée de Pont de Veyle ; et le Déguisement, une imitation française de She would and she would not par Colley Cibber. Lady Craven y jouait elle-même le rôle d’Hippolyte. Le Pot d’argent, espèce de farce, eut quelque succès à la représentation. Quant à la pièce intitulée Abdoul et Nourjad, elle réussit tellement, que beaucoup de personnes firent les dessins de la première scène, et que les principaux airs en furent chantés dans les rues. Cette pièce avait été composée pour complaire à M. de Choiseul-Gouffier. Le Philosophe moderne, en vers français, est sans aucun doute le meilleur des ouvrages dramatiques de la margrave. Elle y a peint avec esprit les travers et les ridicules de la philosophie du 18e siècle. Toutes ces pièces ont été réunies dans le Nouveau Théâtre d’Anspach et de Triesdorf, publié par M. Asimont, Anspaclr, 1789, 2 vol. in-8o. Il devait y en avoir un troisième qui n’a pas paru. La margrave a empreint de toute la bizarrerie de l’humour anglaise ses Anecdotes modernes de l’ancienne famille de Kinkervankos-Darsraken-Gotchdern, où elle fait un tableau satirique très-animé de la morgue des petites cours allemandes. Elle a parodie Ossian d’une manière gaie et originale, dans son Soldat de Dierestein, ou Amour et Clémence, histoire autrichienne, dont elle adressa plaisamment la dédicace à l’aigle d’Autriche. La Relation rapide d’un voyage de Bordeaux est un ouvrage français qu’elle a traduit dans sa propre langue. On connaît son Voyage à Constantinople par la Crimée. Cette relation, où l’on trouve quelques bonnes observations, mais moins d’exactitude et de vérité que dans celle de lady Montagne, eut du succès à son apparition. Dans la même année (1789) il en parut trois traductions françaises à Paris, l’une par Guédon de la Berchère, l’autre par Durand, et la troisième par G.-N. Demounier. Le biographe anglais de la margrave dit que la première édition fut faite au profit de l’auteur du Tableau de Paris ; mais il est évident qu’il s’agit du frère de Mercier que la margrave avait eu longtemps auprès d’elle, et dont elle parle souvent dans ses Mémoires. Elle est encore auteur de la jolie romance villageoise : Non, non, je n’irai plus au bois. Le dernier ouvrage qu’ait publié la margrave, ce sont ses Mémoires, lesquels ont été traduits dans notre langue par J.-T. Parisot, Paris, 1826, 2 vol. in-8o, avec deux portraits. intéressants par la finesse des observations et la variété des objets, ils renferment une foule d’anecdotes curieuses sur des personnages de cour qu’elle a vus de près, et sur des faits importants dont elle a été témoin. Mais, au grand regret des lecteurs, ou y remarque beaucoup de réticences sur ce qui concerne particulièrement l’auteur. Il serait facile d’y suppléer par ce qui a été écrit dans divers ouvrages, notamment dans les Mémoires du comte de Tilly, imprimés en 1828, où l’on trouve des lettres fort expressives de la margrave adressées a cet émigré, qui paraît avoir eu avec elle des rapports fort intimes, lesquels finirent par des scènes scandaleuses. On lit dans les Mémoires de la margrave un fait assez singulier. Elle raconte que, peu de temps après son mariage avec lord Craven, s’étant rendue, accompagnée de deux jeunes femmes, chez une devineresse, celle-ci la considère avec attention ; au bout de huit jours de réflexions, cette femme lui écrivit une lettre où elle lui prédisait qu’elle aurait sept enfants, qu’elle se séparerait de son mari qui mourrait avant elle, qu’elle se remarierait avec une tête couronnée, et qu’elle posséderait de grandes richesses. Cette prédiction, comme en l’a vu, s’est de point en point accomplie : lui a-t-elle été réellement faite ? nous en doutons, ainsi que de beaucoup d’autres assertions du même ouvrage. Lady Craven a encore publié des lettres à son fils traduites en français par Durand, Paris, 1788, in-8o. Son portrait a été peint par madame Lebrun et par Romney. M-d j.


ANSPRAND, roi des Lombards, tuteur de Lieubert, fils de Canibert, en l’an 700, et dépouillé l’année suivante de la régence par Ragimbert, duc de Turin. Lieubert, son pupille, fut blessé et fait prisonnier en 702, par le même Ragimbert. Le rebelle le fit ensuite massacrer dans le bain. La femme et le fils aîné d’Ansprand furent mutilés avec une atroce