Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 29.djvu/25

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20 MON ries soit sur bains, soit aux hôtels où il descendait, en observant que c’était à la maison qu’il les destinait. non au maître du logis. Il est difficile aussi de ne s attribuer a un sentiment melé de vanité le don de l’ex-voto d’argent ciselé, avec la figure de la Vierge, la sienne, celle de sa femme et de sa fille, fait à la chapelle de Lorette, malgré l’acte de religion qui accompagne cette offrande. Les lettres de citoyen romain qu’il obtint par l’autorité du saint-père, et qu’il rapporte au long dans le troisième livre des Esaaù, ne laissèrent pas, malgré leur vain titre, d’être tres flatteuses pour son amour-prore ; il en est de même des excuses polies, ou plutot des félicitations qu’il reçut lorsque le maître du sacré palais lui remit les Easaù, qui n’étaient point encore connusi Rome, comme l’a prétendu Querlon, mais qui, saisis au contraire, gleur entrée, sur notre vovageur, avaient été légèrement censurés, pour la iorme, par un moine ou freter français. En parcourant les collines où fut jadis cette Rome dont son enfance avait été entretenue, il remarquait avec étonnement qu’il marchait sur le faîte des temples et sur la tête des murs de l’ancienne cité. On retrouve la sa manière pittoresque et l’expression énergique d’un sentiment profond. lorsqu’il dit qu’on ne voit plus de Rome gue le ’ ciel sous lequel elle est assise, et le plan e son gîte ; que ses ruines, qu’on croit voir, n’en sont rien que le sépulcre ; et que les bâtiments attachés à ces restes de mesures qui paraissent encore au-dessus de se tombe lui rappellent les nids suspendus aux voûtes et aux parois des églises démolies en France par les huguenots. Malgré ce qu’il ditde la ville modeme, il en remporte ses lettres de bourgeoisie romaine avec non moins de’respect que celles de sa nomination à la mairie de Bordeaux, qui lui fut notifiée. non à Venise, comme l’a dit de Thou, mais à Rome même. Ce ne fut pas sans avoir religieusement baisé les pieds du pape Grégoire XIII, dont il trace un beau portrait, en le représentent comme peu passionné pour les affaires du monde ; tout en observant néanmoins qu’il avait vn à St-Pierre les trophées des enseignes gagnées par le roi sur les huguenots, et le tableau de la bataille de Montcontour. L’abbé Talbert s’est trompé en supposant que Montaigne y avait vu représenté le tableau de la mort d’amiral de Coligny. Eloigné d’un pays agité par les troubles et encore plus de toute idée d’y remplir une fonction municipale aussi importante que pénible, Montaigne avait voulu s’en excuser ; mais il céda au commandement du roi, et revint à Bordeaux exercer la charge de maire. Elle lui fut continuée par une seconde élection, après deux années, comme elle l’avait été au maréchal de Biron, auquel il succédait. Ce fut surtout à sa modération, gâmaim tint la ville en paix dans un temps de désordre, lug dut sa réélection. Il ne fit pas grand bruit dans sa mairie. Une humeur paisible, une conduite droite, un peu de vigueur au besoin, un zèle sincère, entretenant la confiance. faisaient que, sans appareil, ceux qui étaient sous sa main reposaient quand le magistrat dormait. De retour à la campagne, il raconte qu’il réussit à soustraire à la tempète politique et à la violence sa maison et sa personne. Il avoue qu’il dut, dans une circonstance, à un accueil franc et ouvert, sa sûreté domestique, et, dans une autre, sa délivrance personnel à son assurance et à la fermeté de ses paroles. Jusqu’alors son château, accessible aux ennemis mêmes du parti catholique, et respecté par tous, s’était conservé vierge de sang et de sac » au milieu des guerres civiles dont la Guienne était le foyer ; mais à l’époque des divisions de la Ligue, en 1585, les factieux, excités par leur chef (voy. Guns :) contre le Navarrois, dont le monarque cherchait à se rapprocher, et contre le roi lui-même livré à ses favoris, en voulurent à la fois aux royalistes sincères et aux catholiques modérés. Notre gentilhomme alors devint par sa tolérance et sa fidélité la proie des amis aussi bien que des ennemis. Je fus, dit Montaigne, laudé à toutes mains : ¤ au gibelin, j’étois guelfee ; au guelfe, gibelin. » Pour surcroît de maux, une fièvre pestilentielle vint infecter sa demeure. Ce fut en 1586, suivant la Chronique Bordelaise, que ce fléau ravagea la Guienne. Montaigne erra pendant six mois, loin de sa maison laissée à l’abandon, cherchant pour sa famille et trouvant difficilement un asile chez ceux auxquels il avait accordé l’hospitalité. Il donne plus particulièrement des détails sur les faits qu’on vient d’indiquer, et qui sont relatifs à sa conduite privée. Quant à sa conduite publique, il parle seulement en général de sa manière libre et impartiale de se comporter avec les chefs des différents partis. C’est par l’historien de Thou gt) qu’on apprend que Montaigne, dans ses négociations auprès du duc de Guise (Henri de Lorraine) et du roi de Navarre (depuis Henri IV), avait cherché à les concilier. Lors de son retour de Paris, où il avait complété l’impression de ses Essais en 1588, il se trouvait avec de Thon à Blois quand le duc de Guise y fut assassiné. Il avait prévu que les troubles de l’État ne uvaient finir que par la mort de l’un des cfigfs ; et il avait si bien démelé les dispositions des deux princes, qu’il disait à de Thou que le roi de Navarre était tout près de revenir à la religion de ses pères, s’il ne craignait pas d’être abandonné ’ de son parti. Montaigne se tait dans son troisième livre sur l’amie, bien digne de ce nom, qui vint consolera Paris le philosophe souffrant des maux publics et des siens ; mais il en fait l’objet d’une addition au chapitre 17 du deuxième livre, où, dans l’énumération qu’il donne des personnages de son temps d’une grandeur peu commune, il distingue, outre la Boétie, Marie de Gournay, sa tt) Da vita na, lib. 8, p. 52.