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thèque de Paris. Il mit en tête une très-bonne Notice historique sar la vie et les ouvrages de Rabelais ; il y joignit quelques extraits des Cronicques de Gargantua. Cette édition reparut en 1842 et en 1857. La notice, biographique a été réimprimée à part en 1858 avec quelques additions. M. Lacroix n’a pas d’ailleurs admis dans son volume les Lettres, la Sciomachie et autres opuscules, qui par eux-mêmes n’ajoutent rien en effet à la gloire de maître François. En 1858, un libraire actif et, zélé, qui avait entrepris sous le titre de Bibliothèque elzévirienne une publication importante destinée à remettre en lumière nos vieux auteurs, donna le premier volume d’un Rabelais, annoncé comme étant la seule édition conforme aux derniers « textes revus par l’a teur, avec les variantes de toutes les éditions originales. Cette édition, faite d’après un plan différent de celui qui avait été suivi jusqu’alors (plan recommandé d’ailleurs par M. J. Ch. Brunet), donne au bas des pages les variantes des impressions originales ; elle ne contient pas de notes. On y trouve les trois premiers livres. Malheureusement il n’a été mis au jour que le premier volume : on doit surtout regretter d’être privé du troisième, qui devait offrir un glossaire, une vie de Rabelais et diverses productions peu communes. N’oublions pas les deux volumes petit in-8e, publiés en 1857-1858 par MM. Burgaud des Maretz et Rathery (Paris, Firmin Didot) ; le texte a été également revu sur les éditions primitives ; l’orthographe, très-différente dans les anciennes impressions arbitrairement corrigées par les éditeurs modernes, a été ramenée à un système rationnel qui n’admet pas une forme, un signe que ne justifie une édition de quelque œuvre de Rabelais depuis 1532 jusqu’à 1553. Les notes placées au bas des pages sont nombreuses, instructives et succinctes, mérite qui n’est pas médiocre, car il est difficile de ne pas devenir fort prolixe et fort étendu lorsqu’on entreprend de commenter Rabelais. La notice biographique, due à la plume de M. Rathery, occupe trente-cinq pages. On a publié en 1880 un Rabelais illustré par M. Gustave Doré. Le talent original de cet artiste s’est donné carrière dans les étranges imaginations du Caloyer des îles d’Hyères. Indépendamment des ouvrages bien connus pour être de Rabelais, il lui en a été attribué d’autres dont la paternité est douteuse. M. Paul Lacroix, qui pense que, dans sa pratique médicale, Rabelais s’occupa spécialement de l’étude et de la guérison de ce qu’on appelait alors le mal de Naples, est disposé à regarder maître François comme l’auteur d’un volume aussi rare que curieux dont nous devons abréger le titre écrit en toutes lettres dans l’original Triomphe de très-haute et très-puissante dame V-le, royne du Puy-d’Amours. Ce livre, publié en 1539 à Lyon chez François Juste, c’est-à-dire chez le typographe qui imprimait les

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ouvrages de Rabelais, offre une série de trente-quatre figures gravées sur bois représentant Vénus, Cupidon, la diète, etc. ; le tout accompagné de pièces de vers qui rappellent le style et la tournure d’esprit de l’auteur de Pantagruel, Le prologue, en prose, présente également une certaine similitude (1) [9]. Disons aussi que M. Lacroix, supposant que Rabelais se serait, dans un âge avancé, assez mal trouvé de ses relations avec de joyeuses Romaines, penche à lui attribuer un livret publié à Lyon en 1551, la Louange des femmes, invention extraite du commentaire de Pantagruel sur l’Androgyne de Platon. Les Songes drolatiques de Pantagruel, où sont contenues plusieurs figures de l’invention de M. Rabelais, et dernière Œuvre d’icelui pour la récréation des bons esprits, Paris, 1565, in-8°, forment un recueil de cent vingt figures grotesques, sans autre texte que le titre du livre et un Au lecteur, salut. Ce volume, devenu très-rare, est très-recherché des bibliophiles. Il s’est payé parfois de cent cinquante à deux cents francs en vente publique : et en 1844, à celle de Charles Nodier, il arriva au prix de quatre cent dix-sept francs. Le libraire Sellier eut l’idée, vers 1797, de le faire réimprimer. M. Brunet a vu les soixante premières planches, et rapporte qu’on lui a dit que la suite avait été terminée, mais non publiée. Aucun éditeur de Rabelais n’avait compris dans les œuvres de cet auteur les Songes drolatiques, qui ne pouvaient guère s’exécuter dans un format moindre que l’in-8°, et dont d’ailleurs l’exécution eût été très-coûteuse ; mais ils forment le huitième volume de l’édition dirigée par MM. Esmangart et Johanneau. Ces savants ont joint un texte explicatif dans lequel, à force d’explications bien souvent arbitraires, ils reconnaissent dans ces figures grotesques François Ier, Henri II, le pape et autres personnages du temps. Ce travail, entièrement neuf, donne d’ailleurs du prix à cette seconde édition des Songes, publiée plus de deux siècles et demi après la première. Mais MM. Esmangart et Johanneau, qui les premiers ont voulu rattacher au texte de Gargantua et du Pantagruel les caricatures des Songes drolatiques, vont sans doute trop loin en annonçant qu’on voit reparaître sous ces figures bizarres tous les personnages, tant réels qu’allégoriques, de ces