Aller au contenu

Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 38.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SAV — SAV
125

néanmoins adopté ; mais il n’eut aucune suite, parce que les pairs le rejetèrent. La conduite qu’Halifax avait tenue dans cette circonstance irrita tellement la chambre basse qu’elle l’accusa d’être un partisan du papisme et l’ennemi du roi et de la nation, dans une requête qu’elle adressa à Charles II pour demander son renvoi du conseil ; mais ce ministre exerçait à cette époque une si grande influence sur l’esprit du roi qu’il obtint la dissolution de la chambre et le titre de comte. Le bill d’exclusion ayant été représenté en 1680, Halifax le combattit encore et déploya beaucoup de talent dans cette discussion. Ce bill, adopté par les communes, fut rejeté par les pairs, ainsi qu’il l’avait déjà été l’année précédente. Charles II étant tombé malade au mois d’août de cette année (1680), Halifax fut un des ministres qui conseillèrent à ce prince de mander secrètement auprès de lui le duc d’York, qui n’arriva qu’après le rétablissement de la santé de son père. S’étant aperçu que ce service ne lui avait pas fait obtenir a confiance du duc, et que le roi un-même montrait peu d’égards pour lui, il se retira de l’administration, avec Essex et Temple. Au mois d’août 1682, le roi rappela dans son conseil, avec le titre de garde du sceau privé, Halifax, qu’il avait élevé auparavant au rang de marquis. C’était une excellente acquisition, car Halifax était doué d’une grande capacité pour le maniement des affaires étrangères. Il était en outre considéré comme le chef de ce petit corps d’individus auxquels on avait donné le sobriquet de trimmers[1], parce qu’ils affectaient de conserver une exacte neutralité entre tous les partis qui divisaient l’Angleterre. Après la découverte de la conspiration de Rye-House et l’exécution de lord Russel, d’Algernon Sidney, etc., le parti royaliste poursuivit avec une grande rigueur tous ses adversaires, dont plusieurs furent condamnés à diverses peines. Le duc de Monmouth, impliqué dans la conspiration, avait pris le parti de se cacher. Ce fut dans ces circonstances qu’Halifax, qui commençait à craindre que le parti qu’il appelait exagéré n’acquit une trop grande prépondérance, ménagea entre Monmouth et le roi une réconciliation qui ne fut pas de longue durée (voy. Momnouth). Lorsque Jacques II monta sur le trône (février 1685), non-seulement il nomma le marquis d’Halifax président du conseil, mais lorsque celui-ci voulut excuser quelques nues des opinions qu’il avait soutenues sous le dernier règne, le roi l’interrompit en lui disant que « de toute sa conduite il ne se rappellerait que son opposition énergique au bill d’exclusion ». Comme il avait depuis refusé son consentement au rappel des actes du test, et s’était prononcé contre les mesures de la cour, le roi exigea de lui sa démission, en 1686, en lui disant que « quoiqu’il n’eût pas oublié ses services passés, il se voyait obligé de l’éloigner de ses conseils, où il était résolu de conserver l’unanimité n. Lorsque le prince d’orange eut débarqué en Angleterre, à la tête d’une armée hollandaise, le roi, à qui la défection de plusieurs de ses sujets et de sa propre fille avait inspiré des craintes sérieuses, envoya Halifax, Nottingham et Godolphin pour traiter avec son gendre ; et celui-ci les renvoya avec des propositions assez dures. Jacques refusa de les accepter et s’embarqua pour la France. Les lords qui se trouvaient à Londres s’assemblèrent alors à l’hôtel de ville, sous la présidence d’Halifax, et prirent, dans cette extrémité, des mesures pour assurer le salut de l’État. Les vents contraires ayant forcé Jacques II de relâcher à Feversham, et la populace s’étant opposée à son départ, Halifax fut un des plus actifs à presser son souverain de retourner dans sa capitale ; et par une contradiction difficile à expliquer, lorsque Jacques II fut rentré dans le palais de ses pères, Halifax accepta, avec le comte de Shrewsbury et lord Delamere, l’odieuse commission de lui signifier, au nom du prince d’orange, l’ordre d’en sortir de nouveau et de se retirer à Hull. Dans le parlement, ou plutôt dans la convention[2] qui s’assembla après que le départ du roi fut connu, Halifax, choisi pour orateur de la chambre haute, soutint avec vigueur la motion qui tendait à déclarer le trône vacant et in établir la souveraineté dans les personnes réunies du prince et de la princesse d’Orange. Cette motion ayant été adoptée, ce fut lui qui fit, le 22 février 1689, au nom des pairs et des communes, une offre solennelle de la couronne aux deux époux. Il obtint de nouveau le poste de secrétaire du sceau privé ; mais, dans la session qui suivit l’avènement de Guillaume III, une enquête sur les procès de lord Russel, d’Algernon Sidney et des autres conspirateurs de Rey-House ayant été ordonnée, Halifax, qui faisait partie du conseil en 1683, se retira de la cour et montra une opposition très-prononcée contre les mesures du gouvernement, jusqu’à sa mort, arrivée en 1695. La conduite du marquis d’Halifax témoigne qu’il était fort inconstant en politique, peu scrupuleux et sans principes arrêtés. Doué d’une imagination brillante et très-enclin à la satire, il ne sut jamais résister au désir de placer un bon mot, même dans la discussion des affaires les plus sérieuses ; et comme il lançait fréquemment des sarcasmes contre la religion, il passa pour un athée. L’évêque Burnet, qui l’avait connu particulièrement, le justifie à ce sujet. Halifax est auteur de plusieurs écrits remarquables par leur élégance : 1° Caractère d’un trimmer. Personne n’était plus en état que

  1. Trimmer : aiguille ; proprement : celui qui nage entre deux eaux.
  2. Le parlement qui s’était réuni à la restauration de Charles II avait pris la même dénomination, pour exprimer gu'il était assemblé sans qu’on eût suivi les formes ordinaires et légales.