Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 44.djvu/633

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latitude était laissée à l'amiral pour l'exécution de ce plan, en même temps il se trouvait placé dans une situation délicate par la présence à bord de son escadre d'un des frères de l'empereur Jérôme Bonaparte, alors destiné à la marine, avait reçu le commandement du vaisseau le Vétéran ; il y avait des ordres formels de Napoléon de le traiter sans aucun égard pour sa naissance, ordres difficiles à concilier avec les prétentions d'un jeune prince qui était d'ailleurs fort contrarié de se voir éloigné de France pour plus d'une année. Sans rien sacrifier de son autorité, Willaumez agit avec tact et avec sagesse vis-à-vis du capitaine qui lui était imposé. Il se dirigea vers le cap de Bonne-Espérance, mais il apprit, presqu'au moment d'y toucher que les Anglais avaient enlevé à la Hollande cette position importante ; il croisa, sans rencontrer les convois qu'il cherchait entre l'Afrique et l'Amérique, et se porta ensuite dans les parages de Cayenne ; il fit quelques prises de peu d'importance, puis il se dirigea vers le Nord, avec l'espoir d'intercepter un riche convoi allant de la Jamaïque en Angleterre ; il voulait ensuite se rendre à Terre-Neuve et détruire les établissements de pêche. Une tempête effroyable vint fondre sur l'escadre dans la nuit du 19 au 20 août 1806 ; elle la dispersa, la plupart des vaisseaux furent démâtés et éprouvèrent des avaries très considérables. Un des vaisseaux de l'escadre, l'Impétueux, périt sur les côtes des Etats-Unis ; l'Eole et une frégate se réfugièrent dans la Chesapeake n'en sortirent plus et y furent démolis. Le prince Jérôme revint vers la France et fut assez heureux pour échapper aux croiseurs anglais et pour gagner, par une manoeuvre audacieuse, un petit port de la Bretagne. Le Foudroyant se dirigea vers la Havane, et le 15 septembre étant fort près de ce port, il eut un engagement avec la frégate de 44 canons, l'Anson, qui cessa bientôt une lutte inégale. Aaprés avoir réparé ses avaries, il retourna en France, déjoua, par des manoeuvres habiles, les poursuites de quelques vaisseaux anglais et regagna la rade de Brest. Pendant les années 1807 et 1808, Willaumez commanda la flotte réunie à Brest, mais que les circonstances condamnaient à l'immobilité. Toutefois, au commencement de 1809, elle put croire qu'elle aurait enfin l'occasion de rendre d'importants services. Napoléon malgré les soucis que lui causaient l'Espagne et l'Autriche, voulut voir si la fortune, juque-là si rigoureuse sur les mers à l'égard de Français, se montrerait enfin plus secourable: il donna à Willaumez l'instruction de sortir brusquement de Brest, de se porter devant Lorient et devant Rochefort, de détruire ou de disperser les stations anglaises chargées d'observer ces deux ports, de rallier à lui les vaisseaux français qui s'y trouvaient et de se diriger ensuite avec ces forces imposantes sur les Antilles, afin de frapper le

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commerce anglais et de mettre à contribution les colonies britanniques. Le plan était bien conçu ; le début de l'exécution fut heureux; l'amiral effectua avec habileté et bonheur sa sortie du port de Brest; il donna le change à la croisière anglaise et se porta vers Lorient, mais l'escadre ennemie, avertie par ses bâtiments légers du mouvement des Français, avait opéré une retraite précipitée, et les vaisseaux qui étaient à Lorient ne se trouvèrent pas en mesure de sortir. Il en fut de même à Rochefort, et tandis que Willaumez, bouillant d'impatience, perdait quelques jours dans l'attente en dehors de l'île d'Aix, les croisières anglaises eurent le temps de se rallier et elles vinrent en forces supérieures menacer la flotte française qui dut se rapprocher du littoral. Willaumez profita d'un coup de vent qui avait forcé l'ennemi à prendre le large pour regagner Brest et il laissa sur la rade de l'île d'Aix et sous les ordres de l'amiral Allemand plusieurs vaisseaux qui, peu de temps après, furent l'objet d'une attaque de brûlots anglais audacieusement conduits par lord Cochrane, alors capitaine de frégate. Cette tentative vigoureuse infligea à la France une perte sensible. Napoléon reconnut que si les conseils de Willaumez avaient été suivis, cet échec eût été prévenu; il ne laissa pas l'amiral à Brest, où il n'avait plus rien à faire; il lui confia le commandement de la flotte réunie au Zuyderzée, et en vue des côtes britanniques, mais la guerre de 1812 et de 1813 appelèrent toute l'attention du maître, tous les efforts de la France, et il n'y eut pour l'intrépide marin aucune occasion d'agir. Pendant le cours de ses longues campagnes, il n'avait jamais été gravement blessé. La paix ayant été rendue à l'Europe, il ne fut plus employé à la mer, mais le gouvernement de la restauration eut le bon sens de le faire figurer dans diverses commissions chargées de l'administration et du perfectionnement de la marine. Willaumez se consacra avec zèle à des travaux qui avaient pour lui un vif attrait, et il se plut à faire effectuer à ses frais une importante collection de modèles de bâtiments de guerre. Le roi Louis-Philippe manifesta pour ce vétéran la plus sincère estime, et il le chargea en 1834 de l'inspection du matériel général des ports. Mettant à profit les loisirs que lui avait faits la paix, Willaumez avait rédigé un Dictionnaire de marine qu'il publia en 1820, en 2 volumes in-8o et qui reparut en 1825 et 1830, avec des additions et des améliorations importantes. C'est un ouvrage classique en son genre et qui jouit d'une réputation bien méritée. Devenu forcément arriéré par suite de la révolution qu'a introduite dans la marine l'application de la vapeur, il a été refondu par M. E. Bouet. Willaumez fut élevé au rang de pair de France et nommé grand-croix de la légion d'honneur. Il est mort à Suresnes près de Paris, le 17 mai 1845. ― Un autre WILLAUMEZ (Etienne-Joseph), parent du