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l’histoire, à l’agriculture, à la botanique, et aucune partie des sciences ne paraissait lui être étrangère. Pendant les vingt années de sa résidence à Pékin, il n’a cessé d’enrichir la France d’observations précieuses sur les productions, les arts et les mœurs des Chinois, et c’est à lui, ainsi qu’au savant P. Amiot, son collègue, que nous devons la plus grande partie des renseignements qui nous sont parvenus sur cet empire, pendant les quarante dernières années du siècle qui vient de s’écouler. Les observations de ces deux laborieux missionnaires se trouvent répandues dans les 15 volumes in-1° des Mémoires sur les Chinois, dont ils forment la majeure partie. Nous n’entreprendrons pas d’indiquer ici toutes celles qui appartiennent au P. Cibot ; leur seul énoncé occupe sept colonnes in-4o dans la table générale des matières, t. 10, au mot CIBOT : nous prenons le parti d’y renvoyer nos lecteurs. L’Essai sur l’antiquité des Chinois, inséré dans le t. 1er des Mémoires, est l’écrit le plus considérable de ce jésuite, et le plus remarquable par la divergence de ses opinions d’avec celles de ses confrères. Il prétend y prouver qu’Yao fut le fondateur et le premier législateur de l'empire, et regarde comme fabuleux les règnes des sept empereurs qui l’ont précédé. Ce système est celui de quelques écrivains chinois ; mais il est démenti par le témoignage presque unanime de tous les autres lettrés. Ce mémoire, qui ne fut publié en France que sous le nom supposé du P. Ko, jésuite chinois, était le premier coup d’essai du P. Cibot depuis son séjour à la Chine. Il parait que la réflexion et des études plus mûres lui auront fait ensuite changer de sentiment, puisque dans tous les écrits postérieurs qu’il a publiés, on ne trouve rien qui vienne à l’appui de cette première opinion. Le P. Amiot, sans attaquer ouvertement son collègue, crut devoir, de son côté, défendre l’intégrité de la chronologie chinoise, et il envoya en France son excellente dissertation sur l’Antiquité des Chinois, prouvée par les monuments, insérée à la tête du t. 2 des Mémoires. Cette opposition dans la manière de voir et de penser de deux missionnaires vivant sous le même toit annonce au moins qu’ils n’étaient soumis à l’influence d’aucune autorité, et que, libres dans leurs opinions, ils n’ont écrit que d’après celle qui leur était propre. Les preuves ont été produites de part et d’autre : c’est aux savants de l’Europe à les juger. Le P. Cibot n’attachait aucun prix à ses ouvrages, et il poussa la modestie si loin à cet égard, qu’il ne voulut jamais mettre son nom à aucun de ses écrits. On peut lui reprocher un peu de diffusion dans le style, et quelquefois trop d’écarts d’imagination ; mais ces légers défauts sont amplement compensés par le fond toujours intéressant de ses observations, par l’étendre et la variété de ses recherches, et par la connaissance utile qu’il nous donne d’un grand nombre de morceaux d’écrivains chinois, dont il nous a fourni ou les extraits ou les traductions. Ce missionnaire est mort à Pékin, le 8 août 1780. G―R.


CICCARELLI (Alphonse), de Bévagna, dans l’ombrie, médecin de profession, acquit dans le

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16e siècle une honteuse et triste célébrité par les fourberies littéraires les plus insignes et par leur juste châtiment. Après avoir donné une Histoire d’Orviète, remplie de faits controuvés et d’impostures, il publia, en 1580, à Ascoli, l’Istoria di cosa Monaldesca, où il eut l’audace d’insérer des monuments et des titres de sa façon, qu’il prétendit avoir tirés des archives publiques et particulières. Il y citait, comme autorités, des auteurs qui n’avaient jamais existé. Il en avait fait autant des 1504, en publiant à Padoue un opuscule intitulé : de Clitumno Flumine, avec un traité de Tuberibus. C’est sans doute encore du même genre qu’était une Storia della casa Conti, que l’on trouve citée parmi les manuscrits du baron de Stosch, Catalogue, p. 6. Il ne se bornait pas à des falsifications purement historiques ; il fabriquait des titres et des actes au profit ou aux dépens des familles. Il flattait l’orgueil des grands par des généalogies fabuleuses. Il tendit un de ces pièges au marquis Albéric Cybo, et entreprit de lui prouver, par de faux titres, que l’ancienneté de sa famille datait de cinq ou six siècles de plus. Albéric, qui était homme d’esprit, s’aperçut de la ruse, et fut le premier à éventer les fraudes de Ciccarelli. D’autres accusations s’élevèrent contre lui ; enfin il fut arrêté par ordre du pape Grégoire XIII ; on lui fit son procès, et, convaincu de faux et de supposition de titres, dans les intentions les plus coupables, il fut condamné à avoir la main coupée et à être ensuite pendu en place publique ; ce qui fut exécuté en 1580. L’Allacri a mis à la fin de ses Observations sur les antiquités étrusques d’Inghirami, un petit traité où il entre dans beaucoup de détails sur les impostures de Ciccarelli, et sur les artifices qu’il employait pour les accréditer. On y voit que Fanusius Campanus, Joannes Selinus, et d’autres écrivains souvent cités par ce faussaire à l’appui de ses assertions, sont de prétendus auteurs qui n’ont jamais existé que dans son imagination, ou, que du moins, quant au premier, s’il exista et s’il écrivit réellement, Ciccarelli a falsifié et altéré toutes les pièces qu’il prétendit avoir empruntées de lui. Tiraboschi avait rassemblé beaucoup de matériaux pour une dissertation sur les impostures de ce misérable, sur Fanusius, Campanus, Selinus, Corellus, et d’autres pseudo historiens mis au jour et cités par lui, par ses imitateurs et par ses dupes. Il avait annoncé ce projet dans sa Storia della Litterat. Ital., t. 3, part. 3, 349, 1re édition de Modéne, mais il est mort sans l’avoir exécuté. G-É.


CICCI (Marie-Louise, l’une des muses italiennes de la fin du 18e siècle, naquit à Pise, le 14 septembre 1760. À deux ans, elle eut le malheur de perdre sa mère. Son père, noble de naissance et jurisconsulte de profession, surveilla son éducation jusqu’à l’âge de huit ans ; alors, suivant l'usage de son pays et de son temps, il la mit dans un couvent de religieuses, et, voulut que l'instruction de sa fille se bornât à la pratique des vertus et des devoirs domestiques, il fit même écarter d'elle tout ce qui sert à l’art d'écrire. Il était loin de prévoir l’usage qu’elle en ferait un jour. Malgré toute la surveil