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BIOGRAPHIE UNIVERSELLE.


B


CHASSIRON (Pierre-Matthieu-Martin), trésorier de France, conseiller d’honneur au présidial de la Rochelle, naquit à l’Ile d’Oléron, en 1704. Il se fit une réputation littéraire en publiant des Réflexions sur le comique larmoyant, Paris, 1749, in-1 2. Armé des traditions classiques, et voulant combattre à la fois le goût de son siècle et les succès que la Chaussée et ses imitateurs avaient obtenus, il soutint que la nouvelle manière de traiter le comique n’est pas autorisée par l’exemple des anciens ; que l’on n’a pas la liberté de changer sans cesse la nature de la comédie, et que, sous le rapport du plaisir et de l’utilité, le comique larmoyant, inférieur au genre de Plaute et de Molière, ne passera point à la postérité. Le succès des ouvrages de cette espèce a démenti la prédiction de Chassiron. Son écrit fit cependant quelque sensation, et il obtint même le suffrage de Voltaire, qui avait sacrifié à la nouvelle Thalie. Le goût du public finit par l’emporter sur des censures pleines de raison à beaucoup d’égards, mais qui devaient perdre leur force en présence des émotions si communicatives de la scène. Chassiron fut l’un des fondateurs de l’académie de la Rochelle. Il prononça dans la première séance de cette société, le 22 juin 1735, un discours sur le but de son institution. Il fit ensuite paraitre en tête du premier recueil des Mémoires de l’académie, publié en 1747, Paris, in-8o, l’histoire et le précis sommaire de ses travaux. Les Réflexions sur le comique larmoyant ont été réimprimées dans le t. 3 de ces Mémoires, qui parut en 1765. « Il y a peu de recueils qu’on puisse mettre à côté du vôtre, écrivait l’abbé Raynal a Chassiron, et de l’aveu de nos meilleurs connais et seurs, on ne lui en doit préférer aucun[1]. » Chassiron mourut à la Rochelle en 1767 dans sa 63° année. L—M—x.


CHASSIRON (Pierre-Charles-Martin, baron de), fils du précédent et l’un des hommes qui, dans ces derniers temps, ont rendu le plus de services à l’agriculture, était né le 2 novembre 1755, à la Rochelle. Son père lui inspira le goût des lettres. Après avoir terminé ses études à Paris, au collège des Grassins, il fréquents les cours de droit et prit le titre d’avocat, comme c’était l’usage, mais sans avoir l’intention de suivre la carrière du barreau. Il perfectionna ses talents dans la société des littérateurs les plus spirituels, et se fit bientôt connaître par quelques pièces de vers pleines de délicatesse. Maître d’une fortune considérable, il revint dans sa ville natale vers 1776, acquit une charge de trésorier de France, et, reçu peu de temps après à l’académie de la Rochelle, y prononça comme président un discours remarquable, dans lequel il montra l’heureuse influence que les lettres pourraient avoir sur les mœurs publiques. À cette époque, il avait abandonné la poésie pour se livrer à l’examen des graves questions soulevées par les économistes, et s’occupait uniquement de recherches sur l’agriculture, les arts. et la statistique. En 1789, il prit part aux délibérations de l’assemblée de la noblesse de sa province, qui le nomma son secrétaire ; et plus tard il fut élu membre du directoire du département de la Charente. Admettant toutes les réformes compatibles avec l’ordre public, il était trop éclairé pour ne pas s’apercevoir qu’on n’était pas entré dans la voie qui devait y conduire, et dans un petit écrit intitulé l’Avis du bonhomme (anonyme), il signala le danger des sociétés populaires. Ses efforts pour empêcher leur établissement n’ayant pas eu le succès qu’il espérait, il donna sa démission et se retira dans ses terres, se f1attantd’y rester oublié. Mais son attaque contre les jacobins devint bientôt un titre de proscription. Arreté comme suspect, il fut, des prisons de la Rochelle, transféré dans celles de Rochefort, et ne dut la vie qu’au courageux dévouement de sa femme. Devenu libre, il s’établit dans un domaine qu’il possédait aux environs de la Rochelle, et s’occupa de réparer les brèches que la révolution avait faites à sa fortune. Au moyen des améliorations qu’il introduisit dans la culture de ce domaine, il en doubla les revenus en quelques années. Le premier, dans son département, il imposa l’obligation à ses fermiers de convertir un certain nombre d’arpents en prairies artificielles ; il eut des troupeaux de mérinos, et réussit à perfectionner les autres races d’animaux domestiques. Nommé par son département, en 1797, membre du conseil des anciens, il n’échappa que par miracle à l’exil qui frappa ses amis politiques au 18 fructidor. Tout le temps qu’il siégea dans les conseils, il s’occupa spécialement des

  1. Isographie des hommes célèbres, on Collection de fac-simile, de lettres autographes et signatures, Paris, 1828-1830, in-4o, 132 livraisons.