Aller au contenu

Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 9.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taient l’esprit de Cornhert ; il voulut s’en éclaircir par la lecture de St. Augustin et d’autres Pères de l’Église, et, comme il ne savait pas le latin, il se mit à l’apprendre dans cette intention. La preuve de ses progrès est dans la traduction hollandaise du Traité des Offices de Cicéron, de celui de la Bienfaisance de Sénèque, et des livres de la Consolation de la philosophie de Boèce. Cette extension de ses connaissances augmenta sa considération ; la ville de Harlem le gratifia d’une place de notaire, et, environ deux ans après, en 1564, elle le nomma son conseiller-pensionnaire, magistrature très-distinguée en Hollande. Il fut successivement chargé des commissions les plus difficiles et les plus délicates, spécialement auprès de Guillaume Ier, qui avait entrepris d’affranchir sa patrie du joug espagnol. Henri de Brederode, fils de Renaud, employa également Cornhert à ses vues libérales et patriotiques. Cornhert était l’ardent ennemi de toute oppression civile et plusieurs le tiennent pour l’auteur de la fameuse Confédération et de la Supplique des nobles, que d’autres attribuent à Marnix. Il ne paraît pas douteux que l’on doive à Cornhert le premier écrit que le prince Guillaume fit paraître en son camp au mois de décembre 1566, et qui était intitulé : Avertissement aux habitants des Pays-Bas… pour la loi, pour la foi et pour le peuple. Ses liaisons avec les principaux amis de la liberté le firent incarcérer à la Haye en 1568, et la plus cruelle destinée semblait se préparer pour lui. Sa femme chercha à gagner la peste pour la lui communiquer et pour périr avec lui ; mais, instruit de ce funeste dessein, il l’en reprit sérieusement, et l’exhorta à partager sa confiance et sa résignation. Il composa dans sa prison quelques opuscules qui respirent ces sentiments si dignes de l’homme de bien et du disciple de l’évangile. On remarque dans le nombre une pièce qu’il a intitulée : la Comédie d’heur et malheur, ou l’Éloge de la prison, espèce de drame allégorique. Traduit devant ses juges, il se justifia avec un mâle courage, et, contre toute attente, il recouvra sa liberté. Arthus de Brederode l’ayant averti de nouveaux dangers qui le menaçaient, Cornhert se réfugia à Clèves, où son burin lui redevint utile pour vivre. Les persécutions ecclésiastiques commencèrent à le tourmenter à cette époque non moins que les persécutions politiques. Bien que partisan de la réforme, il n’approuvait pas également toutes les doctrines de Calvin et de Bèze, et les partisans à outrance de ces réformateurs le prirent aussitôt pour l’objet dévoué de leur haine. Rien ne lassa sa constance. Les états de Hollande s’étant déterminés en 1572 à s’opposer, par les mesures les plus énergiques, à la tyrannie de Philippe II, ils appelèrent Gombert auprès d’eux pour remplir les fonctions de secrétaire d’État ; mais n’ayant pu dissimuler son aversion par les violents procédés de Lumey, comte de la Marck, pour les extorsions, les brigandages, concussions des gens de guerre qu’il traînait à sa suite, il se vit contraint d’abandonner son poste et de s’expatrier de nouveau. Il retourna à Clèves, où Guillaume Ier continua d’employer ses services et sa plume. Il écrivit à cette époque un Mémoire étendu, pour faire voir avec évidence à toutes les puissances chrétiennes que l’insurreotion des Pays-Bas contre le roi d’Espagne ne porta point du tout le caractère de la sédition, mais qu’elle est fondés sur la première et la plus irréfragable loi de la nature, celle de la défense de soi. Il s’y prononce encore avec force contre les fureurs des iconoclastes, et s’attache à décharger de ce tort les véritables amis de la chose publique. Deux autres écrits parurent de lui vers ce temps ; l’un intitulé : De ïorigim des troubles des Pays-Bas ; l’autre, De la permission et des décrets de Dieu. Il s’élève particulièrement dans ce dernier contre la doctrine, qu’il faut punir de mort les hérétiques. Au sujet de cette doctrine, il eut pour principal adversaire Juste-Lipse. Celui-ci, dans le 4e livre de sa Politique, s’étant déclaré en faveur d’une religion unique et exclusive, et ayant conseillé comme moyen de parvenir à ce but le déplorable remède, Ure et seca, Cornhert entreprit de combattre ce système, et il s’en est occupé jusqu’à son lit de mort. Requesens, gouverneur espagnol, excepta nominativement Cornhert, avec vingt-trois autres individus, des lettres d’amnistie qu’en 1574 il publia en faveur de tous ceux qui, sous deux mois, auraient reçu l’absolution au saint tribunal de la pénitence. Depuis ce temps, il est moins question de Cornhert dans les affaires publiques. Cependant les actes de la pacification de Cologne commencée l’an 1579, et publiés à Delft avec d’excellentes notes par Aggée Albada, ami intime de Cornhert, passent pour être de ce dernier. Il écrivit aussi une Apologie pour la magistrature de Leyde dans l’affaire du ministre Gaspard Goolhaas. Ayant prêté sa plume aux réclamations de quelques catholiques de Harlem, sa conduite fut improuvée par les états. En 1582, il mérita bien de la chose publique en découvrant une conspiration tramée par les Espagnols contre la ville d’Enkhuisen. En fait de religion, Cornhert ne marchait sous la bannière d’aucun parti, ce qui le fit désavouer par tous. Il attaqua, sur quelques points de doctrine, le Catéchisme de Heidelberg. devenu en Hollande la base de l’enseignement religieux, et il dédia aux états sa Pierre de touche de ce livre symbolique. Cette hardiesse excita contre lui les plus violentes clameurs ; il fut traité de pélagien, d’esprit fort, d’homme sans foi et sans loi. Sa brochure semble avoir été tacitement supprimée. Cependant les états établirent entre Cornhert et ses antagonistes des conférences ou disputes publiques, qui n’eurent aucun résultat Quelque temps après, Jacques Arminius, alors pasteur de l’église réformée d’Amsterdam, ayant été chargé, par le consistoire, d’examiner et de réfuter les écrits de Cornhert, il fut, dit-on, lui-même entraîné et convaincu par les raisonnements de celui qu’il devait combattre. Vers le même temps, le séjour de la ville de Delft, ayant été interdit à Cor-