Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/152

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route pour achever le voyage par terre. Les mariniers grecs ont couru après lui et l’ont ramené, car il en est d’un voyage par mer comme d’une représentation dramatique, il faut que tous les personnages reparaissent à la fin de la pièce. Comme l’ecclésiastique arménien était sur les registres du caïque avec ses effets, les mariniers en devaient compté à la douane ; le pauvre prêtre a été obligé dé nous suivre jusqu’au bout.

Nous avons quitté San-Stéphano ; le vent n’était pas devenu favorable, le caïque faisait des bordées et n’avançait pas ; nous avions toujours les yeux sur Constantinople, qui semblait s’éloigner de nous. Notre ennui avait quelque chose de ces rêves pénibles, où l’objet qu’on poursuit vous échappe sans cesse ; on tend les bras, mais les bras restent immobiles ; on veut courir, mais les jambes s’attachent à la terre. Toute la journée s’est passée en bordées inutiles ; nos mariniers ont de nouveau jeté l’ancré à quelque distance d’un grand magasin à poudre, bâti au bord de la mer, à deux ou trois milles de San-Stéphano. M. Poujoulat s’est couché avec la fièvre sous un figuier de la rive ; pour moi, je suis resté dans le caïque, bien décidé à ne descendre à terre qu’à notre arrivée à Constantinople. Je me faisais d’avance une grande joie d’y arriver au lever du jour. Pendant la nuit, je me suis efforcé de résister au sommeil, pour être tout prêt à jouir du grand spectacle