Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/326

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qui n’ont jamais vu que de loin la magnificence des sultans.

Le souvenir des Arméniens exilés retient ici à la pensée du voyageur ; un arrêt cruel vint les frapper dans leurs retraites du Bosphore ; on les dépouilla de tout ce que leur industrie avait amassé, et le despotisme leur laissa à peine vingt-quatre heures pour sortir de leurs foyers. Ces malheureux ne purent rien emporter de leurs trésors, et plusieurs sont morts de misère sur les chemins et dans les solitudes de l’Asie-Mineure. Ceux qui n’ont point péri gémissent maintenant peut-être dans les pauvres cabanes des déserts, tandis que leurs beaux kiosques du Bosphore, envahis par des favoris du sérail, entendent des chants joyeux et le bruit des festins. Quelques-uns de ces kiosques n’ont pas été trouvés indignes de devenir des habitations impériales.

D’autres souvenirs que ceux de la proscription nous attristent aussi sur les bords du canal ; le Bosphore a sa chronique du crime ; et cette chronique nous révèle de terribles mystères. Si je pouvais interroger les familles, j’entendrais des récits dont la sombre horreur couvrirait de deuil ces rivages délicieux. Tous ceux, qui la nuit portent leurs pas vers le détroit, ne viennent point pour y admirer la douce teinte des ombres et les étoiles tremblantes dans les eaux. La même gondole qui la veille aura transporté sur l’une ou l’autre rive de joyeux pro-