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MICHEL-ANGE.

l’être, comme un triste sujet et un pécheur autant et peut-être plus que les autres. Sachez, pourtant, que je n’ai nullement fauté dans l’affaire que vous me reprochez, ni envers ces deux (garçons) ni envers aucun autre, à moins que je n’aie fait plus qu’il ne convient. Ils savent bien ce que j’ai fait pour eux, ceux qu’il m’est arrivé d’employer. Et si tout le monde l’ignore, Lapo et Ludovic le savent mieux que personne. Le premier a reçu en un mois et demi 27 ducats, et l’autre 18 larges, — plus la dépense (journalière). C’est pourquoi je vous prie de ne pas vous laisser désarçonner.

Quand ils sont venus se plaindre de moi, vous auriez du leur demander combien de temps ils sont restés à mon service et combien de ducats ils en ont reçus, et vous auriez pu ensuite leur demander de quoi ils se plaignaient. Mais l’excessive passion qui les aveuglait — surtout ce triste Lapo — était telle qu’ils laissaient entendre que c’était eux qui faisaient l’œuvre ou qu’ils y étaient de moitié avec moi ; et ils ne se sont jamais rendu compte — surtout Lapo — qu’ils n’étaient pas les maîtres, si ce n’est quand j’ai chassé ce dernier. Alors seulement il s’est aperçu qu’il faut compter avec moi. Après avoir ourdi mille plans et commencé à ébranler la faveur du pape, il lui a semblé étrange que je l’aie mis dehors, comme une bête. Je regrette qu’il ait de moi 7 ducats ; mais, si je reviens à Florence, il faudra bien par force qu’il me les rende. Il devrait même me rendre les autres qu’il a eus de moi, s’il avait de la conscience. Mais assez : je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet, parce que je l’ai fait suffisamment connaître par écrit à messer Agnolo (Manfidi, héraut de la Signoria de Florence), que je vous engage d’aller voir, en vous faisant accompagner par Granacci, si vous le pouvez. Faites-vous lire par l’officier public la lettre que je lui ai écrite, et vous saurez alors quelle sorte de canaille sont ces gens. Je vous prie cependant de tenir secret ce que je vous écris de Ludovic, parce que si je ne trouve pas un autre fondeur à amener ici, je verrai à le reprendre. En vérité, je ne l’ai pas chassé de Bologne. C’est Lapo qui, trop honteux de rentrer seul à Florence, a débauché Ludovic pour alléger ses propres fautes. Vous apprendrez tout cela du commissaire, et vous conclurez à votre aise pour votre gouverne. Ne tenez même aucun propos avec Lapo ; vous en auriez trop de honte. Nos affaires ne vont pas avec celles de ces gens-là.

Pour ce qui regarde Giovansimone, il ne me semble pas bon qu’il vienne à Bologne, parce qu’au carnaval le pape en repartira pour aller, je crois, à Florence. Il ne laisse pas ici tout en bon ordre. Il traîne ici quelque soupçon qu’il ne convient, comme on dit, ni de chercher à expliquer ni de commenter par écrit. Et même quand il n’arriverait rien, — ce que je ne puis croire, — je ne veux pas me mettre la charge d’un frère sur le dos. De ceci il ne faut ni en manifester étonnement, ni en parler à personne au monde ; parce qu’ayant besoin d’hommes, je n’en trouverais pas qui viendrait de Florence à Bologne. Et puis, je veux croire encore que les choses iront bien. Je serai bientôt de retour, et je ferai alors, s’il plaît à Dieu, pour Giovansimone et les autres (de la famille) tout ce que je pourrai pour les contenter. Demain, je vous écrirai une autre lettre, au sujet de certain argent que je veux envoyer chez nous et sur l’emploi que vous aurez à en faire…

(En post-scriptum.)

Autre chose : pour répondre aux extravagances dont m’accuse Lapo, je