Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/271

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la liberté de venger leurs camarades en faisant sur le théâtre et dans la rage même de l’action ce que le lendemain ils ne voudraient pas faire de sang-froid. »

Tout était là. On persuada aux soldats qu’ils avaient à venger leurs camarades ; à ceux qui arrivaient délivrés de la captivité de Prusse, on disait que la Commune s’entendait avec les Prussiens et les crédules s’abreuvèrent de sang dans leur rage.

Afin que comme au 18 mars l’armée ne levât pas la crosse en l’air, on gorgea les soldats d’alcool mêlé, suivant l’ancienne recette, avec de la poudre et surtout entonné de mensonges ; à l’histoire trop vieille du mobile scié entre deux planches, on avait joint je ne sais quel autre conte aussi invraisemblable.

Paris, cette ville maudite qui rêvait le bonheur de tous, où les bandits du Comité central et de la Commune, les monstres du Comité de salut public et de la sûreté n’aspiraient qu’à donner leur vie pour le salut de tous, ne pouvait pas être compris par l’égoïsme bourgeois, plus féroce encore que l’égoïsme féodal, la race bourgeoise ne fut grande qu’un demi-siècle à peine, après 89. Delescluze, Dijon furent les derniers grands bourgeois semblables aux conventionnels.

Les hommes énergiques de la Commune chacun à son poste, le fardeau du pouvoir tombé de leurs épaules, le respect de la légalité anéanti par le devoir de vaincre ou de mourir ; les illusions de l’éternel soupçon dissipées dans la grandeur de leur liberté reconquise redevinrent eux-mêmes. Les aptitudes se dessinaient sans fausse modestie, sans vanités étroites :

Paris, peut-être soutiendrait la lutte ! qui sait ?

Les dix pièces de la Porte Maillot qui n’avaient pas cessé depuis six semaines tonnaient toujours, et comme toujours, un artilleur tué sur sa pièce était remplacé par celui qui se précipitait.

Jamais plus de deux servants par pièce.