Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/279

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« Avec Jourde, Vermorel, Theisz, Jaclard, et une cinquantaine de fédérés, il marchait dans la direction du Château-d’Eau.

» Delescluze, dit Lissagaray, dans son vêtement ordinaire, chapeau, redingote et pantalon noirs, écharpe rouge autour de la ceinture, peu apparente, comme il la portait ; sans armes, s’appuyant sur une canne.

» Redoutant quelque panique au Château-d’Eau, nous suivîmes le délégué, l’ami.

» Quelques uns de nous s’arrêtèrent à l’église Saint-Ambroise pour prendre des cartouches. Nous rencontrâmes un négociant d’Alsace, venu depuis cinq jours faire le coup de feu contre cette assemblée qui avait livré son pays ; il s’en retournait la cuisse traversée. Plus loin, Lisbonne blessé qui soutenait Vermorel, Theisz, Jaclard.

» Vermorel tomba à son tour grièvement blessé. Theisz et Jaclard le relèvent, l’emportent sur une civière. — Delescluze serre la main du blessé et lui dit quelques mots d’espoir :

« À cinquante mètres de la barrière le peu de gardes qui ont suivi Delescluze s’effacent, car les projectiles obscurcissent l’entrée du boulevard.

» Le soleil se couchait derrière la place. Delescluze sans regarder s’il était suivi, s’avançait du même pas, le seul être vivant sur la chaussée du boulevard Voltaire. Arrivé à la barricade, il obliqua à gauche et gravit les pavés.

» Pour la dernière fois cette face austère encadrée dans sa courte barbe blanche, nous apparut tournée vers la mort.

» Subitement Delescluze disparut, il venait de tomber foudroyé sur la place du Château-d’Eau.

» Quelques hommes voulurent le relever, trois ou quatre tombèrent, il ne fallait plus songer qu’à la barricade, rallier ses rares défenseurs. Johannard au mi-