Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/313

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fureur, dont la bouche restait ouverte pour laisser passer les flots d’insultes qu’elle vomissait sur nous, cherchait à nous sauter à la gorge ; on lui avait dit que nous avions tué sa sœur ; tout à coup, elle jette un cri, une prisonnière arrêtée par hasard en jette un autre : c’était sa sœur ! que depuis plusieurs jours elle avait vainement cherchée. Pardon, pardon, nous criait-elle en s’éloignant sous les rebuffades des soldats.

Nous arrivons à la prison des Chantiers, on entre par une porte dont la partie supérieure est à claire-voie, dans une grande cour, de là, dans une première salle où sont grand nombre d’enfants prisonniers ; par une échelle et un trou carré, nous montons dans la salle supérieure ; c’est la nôtre, la prison des femmes. Un second escalier de bois, en face du premier, conduit à l’instruction, qui est faite par le capitaine Briot.

Nous trouvons à la prison des Chantiers et toujours, les figurantes mises à dessein parmi nous.

Ces Chantiers, surtout en ces premiers temps, n’étaient pas une prison commode.

Le jour, si on voulait s’asseoir, il fallait que ce fût à terre ; les bancs ne vinrent que longtemps après ; ceux de la cour furent mis à propos, je crois, de nos photographies par Appert, photographies vendues à l’étranger et illustrant un volume historique où elles furent gravées avec cette légende : pétroleuses et femmes chantantes, nos noms de chaque côté étaient sur celle d’Appert rassurant nos familles.

Au bout de quinze jours ou trois semaines, on nous donna une botte de paille pour deux, nous avions jusque-là couché comme à Satory sur le plancher. On ajouta au pain du siège, notre seule nourriture jusque-là, une boite de conserves pour quatre.

— Est-ce que Versailles commencerait à avoir peur ? pensions-nous, étonnés de cette profusion soudaine.

Mais de nouvelles prisonnières arrivant chaque jour,