Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/316

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mais posant trop, me demanda d’un ton fort poli si je savais bien lire ! — Un peu, lui dis-je. — Alors je vais vous laisser un livre pour vous entretenir avec Dieu.

— Laissez-moi plutôt le journal qui passe dans votre poche, lui dis-je, le bon Dieu est trop versaillais.

Elle tourna le dos, mais je vis dans sa main, derrière son dos, le journal qu’elle me tendait.

Elle n’était vraiment pas si bête, ni si maladroite que j’aurais cru !

Un journal ! le Figaro ! nous allons apprendre nos crimes, et surtout voir s’il y a des amis arrêtés.

On le glisse de main et main, car on ne peut pas lire en ce moment ; c’est la visite, mais nous savons qu’il y a un journal.

En attendant, ayant trouvé un morceau de charbon, je fais au mur les caricatures des visiteurs, assez ressemblantes pour les rendre furieux.

Mes crimes s’entassaient ; j’avais de plus écrit sur ce même mur que nous réclamions d’être séparées des dames versaillaises mises avec nous pour salir la Commune.

J’avais, en troisième lieu, jeté à la tête d’un gendarme qui voulait me la prendre, une bouteille de café passée par ma mère à travers les claires-voies de la porte de la cour, et que j’eusse voulu ne laisser prendre que quand la pauvre femme eût été partie.

Appelée près du capitaine Briot, j’avais mis le comble à ces attentats en disant : je regrette d’avoir agi ainsi envers un pauvre homme, mais il ne se trouvait pas là d’officier.

Comme je n’étais pas la seule à me rendre coupable de tant de forfaits, on fit la liste des plus mauvaises, les meneuses, comme on dit.

Depuis mon incarcération, on me demandait si j’avais des parents à Paris, et afin qu’ils ne fussent pas arrêtés, je répondais invariablement : je n’en ai pas.