Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/366

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Il vaudrait bien mieux ne plus être
Et s’abîmer pour disparaître
Dans le creuset des éléments.

Enflez les voiles, ô tempêtes
Plus haut, ô flots, plus fort, ô vent !
Que l’éclair brille sur nos têtes,
Navire en avant, en avant !
Pourquoi ces brises monotones ?
Ouvrez vos ailes, ô cyclones,
Traversons l’abîme béant.

À bord de la Virginie, 14 septembre 73.

J’ai raconté bien des fois comment pendant le voyage de Calédonie je devins anarchiste.

Entre deux éclaircies de calme où elle ne se trouvait pas trop mal, je faisais part à madame Lemel de ma pensée sur l’impossibilité que n’importe quels hommes au pouvoir pussent jamais faire autre chose que commettre des crimes, s’ils sont faibles ou égoïstes ; être annihilés s’ils sont dévoués et énergiques ; elle me répondit : « C’est aussi ce que je pense ! » J’avais beaucoup de confiance en la rectitude de son esprit et son approbation me fit grand plaisir.

La chose la plus cruelle que j’aie vue sur la Virginie, fut le long et épouvantable supplice qu’on fait subir aux albatros, qui aux environs du Cap de Bonne-Espérance venaient par troupeaux autour du navire. Après les avoir pêchés à l’hameçon, on les suspend par les pieds pour qu’ils meurent sans tacher la blancheur de leurs plumes. Pauvres moutons du Cap ! que tristement et longtemps ils soulevaient la tête, arrondissait le plus qu’ils pouvaient leurs cous de cygnes afin de prolonger la misérable agonie qu’on lisait dans l’épouvante de leurs yeux aux cils noirs.

Je n’avais rien vu encore d’aussi beau que la mer furieuse du Cap, les courants déchaînés des flots et du vent. Le navire, plongeant dans les abîmes, montait