Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

confondre pour la naïveté et la ruse avec des paysans d’Europe.

Pendant l’insurrection canaque, par une nuit de tempête, j’entendis frapper à la porte de mon compartiment de la case. Qui est là ? demandai-je. — Taïau, répondit-on. Je reconnus la voix de nos Canaques apporteurs des vivres (taïau signifie ami).

C’étaient eux, en effet ; ils venaient me dire adieu avant de s’en aller à la nage par la tempête rejoindre les leurs, pour battre méchants blancs, disaient-ils.

Alors cette écharpe rouge de la Commune que j’avais conservée à travers mille difficultés, je la partageai en deux et la leur donnai en souvenir.

L’insurrection canaque fut noyée dans le sang, les tribus rebelles décimées ; elles sont en train de s’éteindre, sans que la colonie en soit plus prospère.

Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs, des Arabes déportés pour s’être, eux aussi, soulevés contre l’oppression. Ces orientaux emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux, étaient simples et bons et d’une grande justice ; aussi ne comprenaient-ils rien à la façon dont on avait agi envers eux. Bauër, tout en ne partageant pas mon affection pour les Canaques, la partageait pour les Arabes, et je crois que tous nous les reverrions avec grand plaisir. Ils avaient gardé une affection enthousiaste pour Rochefort.

Hélas, il en est qui sont toujours en Calédonie et n’en sortiront probablement jamais !

L’un des rares qui sont revenus, El Mokrani, étant venu à l’enterrement de Victor Hugo, vint à Saint-Lazare, où j’étais alors, et croyait pouvoir me parler ; mais ne s’étant pas muni d’une permission, cela fut impossible.

Pendant les dernières années de la déportation, ceux dont les familles étaient restées en France et à qui la