Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/397

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avait une grande vénération, et au comptoir colonial l’un de nos marins de la Commune, l’enseigne de vaisseau Cogniet, madame Orlowska qui fut pour nous comme une mère, Victorine ayant sous sa direction les bains de Nouméa et nous en offrant tant que nous voulions. Là-bas, on fraternisait largement.

Lorsque je quittai la presqu’île Ducos pour Nouméa, Burlot portant sur sa tête jusqu’au bateau la boîte contenant mes chats, nous rencontrâmes Gentelet qui nous attendait. — Est-ce que vous allez entrer à Nouméa avec des godillots ? me dit-il. — Mais certainement. — Eh bien non, dit-il en me tendant un papier gris qui contenait une paire de souliers d’Europe.

Gentelet, chaque fois qu’il avait du travail, faisait ainsi des cadeaux aux déportés et achetait, l’une après l’autre, pour le 18 mars, des bouteilles de vin qu’il enterrait en attendant dans la brousse.

Le dernier 14 juillet passé là-bas, entre les deux coups de canon du soir (c’est le canon qui annonce les jours et les nuits), sur la demande de M. Simon, nous allâmes, madame Penaud, directrice du pensionnat de Nouméa, un artilleur et moi, chanter la Marseillaise sur la place des Cocotiers.

En Calédonie il n’y a ni crépuscule ni aurore ; l’obscurité tombe tout à coup.

Nous sentions autour de nous remuer la foule sans la voir. Après chaque couplet, le chœur de voix grêles des enfants nous répondent, repris à son tour par les cuivres.

Nous entendions les Canaques pleurer dans le bruissement léger des branches de cocotiers.

M. Simon nous envoya chercher et entre deux haies de soldats on nous conduisit à la mairie. Mais là, les Canaques aussi m’envoyèrent chercher pour voir le pilon, et en m’excusant près des blancs, je m’en allai avec les noirs (chargée de pétards et autres choses du même genre de la part de M. Simon).