Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/413

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» — Laissez-nous passer, disions-nous ; nous voulons aller soigner les blessés. Nous entendions bien gronder le canon, mais sans bien nous rendre compte où c’était.

» Je fis couper une branche d’arbre par un gamin à qui je donnai quelques sous et avec cela nous nous croyions invincibles.

» Il fut convenu qu’on ne parlerait pas du laisser-passer de la Commune et de plus mes compagnes me dirent de plier le drapeau. Mais comme je voulais le garder tel, nous nous trouvons tout à coup sur un pont entouré de gendarmes auxquels nous demandons à passer, ce qui nous fut refusé.

» On envoya chercher un chef de poste, un lieutenant, qui nous demanda ce que nous allions faire avec ce drapeau rouge. Je lui répondis que nous allions soigner les blessés et que nous avions voulu passer sur le pont parce que cela nous rapprochait de l’endroit où l’on entendait le canon.

» Il y eut un moment d’hésitation et pendant ce temps-là, l’une des nôtres oubliant ce qui avait été convenu, — se mit à dire que nous avions un laisser-passer.

» — Comment pouvez-vous dire cela, lui dis-je, puisque nous n’en avons pas ?

» Alors elle comprit et reprit : — J’ai voulu dire que si monsieur voulait nous en donner un.

» Enfin le lieutenant finit par dire aux gendarmes de nous laisser aller, que nous n’étions que des femmes sans armes.

» Arrivées de l’autre côté du pont, le canon grondait toujours. Une femme qui passait nous dit que cela devait être à Issy, et comme nous lui demandions comment il fallait faire pour y arriver, elle nous dit d’aller plus loin et d’appeler le batelier qui était dans l’Île.

» — Mais, dit-elle, il faut dire que vous êtes des fem-