Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/414

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mes de la Commune. Sans cela il ne vous passerait pas dans son bateau.

« Toutes ces choses se passaient dans tout le commencement, quand la terreur n’était pas encore aussi grande chez les habitants des environs de Paris, ni les tueries aussi faciles.

» Nous appelons le batelier en lui disant que nous allons soigner nos frères blessés : le brave homme nous fit entrer chez lui, nous obligea à nous rafraîchir et, coupant une longue branche d’arbre, y ajusta le drapeau et me le remit entre les mains.

» Quand je me reporte à ce temps-là et que je revois en mémoire ce batelier, presque un vieillard, usant pour nous toutes les provisions de sa cabane joyeusement, par la seule raison que nous allions défendre nos idées, cela me rappelle mon père à Cherbourg. Quand revenaient de malheureux déportés, toute la maison était en l’air pour leur trouver ce dont ils pouvaient avoir besoin et dans ces victimes quelquefois il retrouvait des amis, ayant lui-même été arrêté à Cherbourg au coup d’État de 51.

» Lorsqu’il fut relâché, on continua pendant neuf ans à lire au rapport des casernes qu’il était défendu d’aller chez l’horloger Œuvrie sous peine d’un mois de salle de police. La haine de l’Empire l’avait poursuivi comme m’a poursuivie celle de Versailles.

» On me reprocha au conseil de guerre d’être la fille d’un révolutionnaire de 51, mais on n’ajouta pas que cette violence de l’Empire n’avait pu même jamais obtenir de subventions comme les autres.

» Je reviens à mon récit. Je m’étais mise à l’avant du bateau, tenant mon drapeau haut et fier.

» Là nous eûmes la certitude que les gendarmes n’avaient pas l’intention de nous laisser aborder, car ils nous envoyèrent plus de 50 balles qui ne nous atteignirent pas.