Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/232

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Nous étions une douzaine à ce déjeuner. Des politiciens avaient dénigré les puissants du jour, avec cette inconcevable légèreté des hommes informés, qui veulent à tout prix étonner, éblouir. À les entendre, l’un cachait un scepticisme glacé, l’autre une âpre et sinueuse ambition, sous une tumultueuse ardeur patriotique. Un troisième savait allier un chauvinisme effervescent aux pratiques d’une noce crapuleuse. Tout un défilé pénible et grotesque, l’envers de la guerre. J’écoutais, attristée, déçue, bien que j’eusse cent fois entendu de ces propos féroces : c’est en perdant des illusions qu’on s’aperçoit qu’on en avait encore.

On glissa sur l’offensive. On déplora les pertes imposées à quelques usines de la banlieue par les grèves récentes. On énuméra les chiffres consolants des bénéfices qu’elles réalisaient depuis quatre ans. On cita, dans un cordial abandon, des coups de fortune imprévus, de soudains enrichissements, à tous les degrés de l’échelle. On convint que, du petit au grand, chacun s’efforçait de tremper sa roue dans le torrent de la guerre, afin de faire tourner son moulin.

Un gros industriel dit, en philosophe :

— La houille blanche…

Une jeune femme corrigea timidement :