Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/265

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ceux d’en face. Dès qu’on leur met une arme aux mains, ils brûlent de s’en servir, pour se défendre et pour tuer. Dites que le barbare reparaît, que la bête est lâchée, que c’est horrible. C’est ainsi. L’attrait de la lutte, du risque et de la chasse est en nous, dans nos moelles. L’instinct ne change pas, si les prétextes varient de lui donner carrière. Aussi n’avons-nous même pas à examiner ces raisons apparentes. Le devoir est simple. Il y a la guerre : il faut la faire.

Tout en moi protestait contre lui. Mais je n’étais même pas tentée de le contredire, tant je le plaignais. Comme il devait souffrir ! Que de pensées je devinais sous les mots… Ainsi, il n’était plus soutenu par la foi qui l’avait emporté. Il ne croyait plus à ces buts généreux : le droit, la liberté, la civilisation, la fin des guerres. Il ne s’en prenait plus qu’à un instinct, fixe et rude. Aussi jugeait-il superflu de chercher au conflit d’autres causes.

Et je me demande maintenant s’il n’obéissait pas à une sorte de pudeur filiale… Si ce parti-pris de n’accuser que la bête déchaînée ne lui permettait pas d’ignorer et d’absoudre ceux qui avaient lâché la meute.

Cependant Paron continuait de proclamer sa foi dans l’avenir amélioré.