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pendu la correspondance des soldats aux approches de l’offensive ?

Quand nous avons quitté Paris, on ne parlait autour de moi que de cette tentative imminente et décisive. Mais j’ai laissé Mme  Mitry dans l’ignorance. Ils savent trop bien, dans les campagnes, que leurs enfants périssent surtout dans ces grands massacres à date fixée. C’est aux jours d’offensive que s’allonge la liste de leurs morts.

Elle m’a donné à lire la dernière lettre de son fils. J’en ai recopié un fragment. Quelle révolte désespérée ! Et pourtant, il était simple et doux, ce petit. « En première ligne, nous avions chacun un petit morceau de viande, et une boîte de sardines pour quatorze. Avec cela, monter la garde et rester huit jours sans dormir. Nous sommes descendus en réserve le 20 à 3 heures du matin. Le 20 au soir, il fallut remonter travailler en première ligne. Nous ne tenions plus debout. Nous avons refusé. On nous a promis le Conseil de Guerre. Mais rien ne nous fait peur. On ne peut pas nous rendre plus malheureux. On nous traite d’anarchistes. On le serait à moins. S’ils veulent qu’on y reste tous, ils n’ont qu’à le dire. Ceux qui disent que le moral est bon ne viennent pas le demander aux poilus de première ligne. »