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LES « HAUTS FOURNEAUX »

l’élection de Poincaré. Tous attendaient l’avènement du sauveur et s’en congratulaient d’avance. Ils se gaussaient de leurs adversaires, qui marchaient le nez bas à la défaite inévitable. Clemenceau, le plus acharné contre le candidat de la réaction, se résignait lui-même à l’échec. Il venait de lancer cette boutade : « Nous serons de l’opposition. Tant mieux ; nous n’en serons que plus forts. »

Dans la salle du Congrès, je retrouvai cette insolente certitude du triomphe. Dans la tribune où j’étais encaquée, mes voisines exultaient, pleines d’une ferveur batailleuse et pointue. Les passions étaient si aiguisées que les parlementaires en perdaient toute retenue. Quand le bon et brave Camille Pelletan, à demi paralysé, se hissa péniblement à la tribune pour déposer son bulletin, des ricanements féroces éclatèrent dans les rangs de la droite.

Et quel déchaînement dans les couloirs, quand circuleront les résultats du premier tour… Des hommes que j’avais connus courtois, mesurés, arrivaient sur moi, titubant d’orgueil, étalant des faces de soleil, me soufflant leur joie dans la figure, sans se soucier de savoir si je partageais leur ivresse.

Oh ! non, je ne la partageais pas. Car un mot