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18 avril 1916.

La demande, les dossiers de René sont prêts. J’ai voulu risquer un nouvel effort, obtenir qu’il attende son tour, par pitié pour moi. J’étais bien émue. Jamais nous n’avions discuté à fond tous les deux. Rien que de petites escarmouches, en trois phrases. Je lui ai dit que je haïssais la guerre en soi, qu’elle me meurtrissait, qu’elle me piétinait chaque jour, depuis vingt mois, que je le suppliais de ne pas ajouter, avant l’heure, à mon déchirement.

Il m’a interrompue doucement :

— Je sais bien, ma petite maman, que nous ne sommes pas d’accord. Aussi ai-je évité de discuter avec toi. Mais conviens tout de même que, si tout le monde avait tes idées, nous nous serions laissé envahir et que nous n’existerions plus aujourd’hui…

J’ai crié :

— Si tout le monde avait mes idées, il n’y aurait pas eu de guerre !

Et c’est vrai. Si, dans tous les pays, tout le monde avait été élevé dans l’horreur de la guerre,