Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/614

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Son mérite consistait à trouver des fables assez heureusement imaginées pour sauver la gravité de la loi, et appliquer le droit au fait. Toutes les fictions de l’ancienne jurisprudence furent donc des vérités sous le masque, et les formules dans lesquelles s’exprimaient les lois furent appelées carmina, à cause de la mesure précise de leurs paroles auxquelles on ne pouvait ni ajouter ni retrancher[1]. Ainsi tout l’ancien droit romain fut un poème sérieux que les Romains représentaient sur le forum, et l’ancienne jurisprudence fut une poésie sévère. Dans l’introduction des Institutes, Justinien parle des fables du droit antique, antiqui juris fubulas ; son but est de les tourner en ridicule, mais il doit avoir emprunté ce mot à quelque ancien jurisconsulte qui aura compris ce que nous exposons ici. C’est à ces fables antiques que la jurisprudence romaine rapporte ses premiers principes. De ces personæ, de ces masques qu’employaient les fables dramatiques si vraies et si sévères du droit, dérivent les premières origines de la doctrine du droit personnel.

Lorsque vinrent les âges de civilisation avec les gouvernements populaires, l’intelligence s’éveilla dans ces grandes assemblées[2]. Les droits abstraits et géné-

  1. Tite-Live dit, en parlant de la sentence prononcée contre Horace : Lex horrendi carminis erat. — Dans l’Asinaria de Plaute, Diabolus dit que le parasite est un grand poète, parce qu’il sait mieux que tout autre trouver ces subtilités verbales qui caractérisaient les formules, ou carmina. (Vico.)
  2. S’il est certain qu’il y eut des lois avant qu’il existât des philosophes, on doit en inférer que le spectacle des citoyens d’Athènes, s’unissant par l’acte de la législation dans Tidée d’un intérêt égal qui fût commun à tous, aida Socrate à former les genres intelligibles, ou les universaux abstraits, au moyen de l’induction, opération de l’esprit qui recueille les particularités uniformes capables de composer un genre sous le rapport de leur uniformité. Ensuite Platon remarqua que, dans ces assemblées, les esprits des individus,