Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/631

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d’un père, c’est-à-dire d’un noble. Mais lorsque les plébéiens, les hommes dans la langue féodale, commencèrent à faire partie de la cité, le meurtre de tout homme fut appelé homicide.

Lorsque les universités d’Italie commencèrent à enseigner les lois romaines d’après les livres de Justinien, qui les présentent d’une manière conforme au droit naturel des peuples civilisés, les esprits déjà plus ouverts s’attachèrent aux règles de l’équité naturelle dans l’étude de la jurisprudence. Cette équité égale les nobles et les plébéiens dans la société, comme ils sont égaux dans la nature. Depuis que Tibérius Coruncanius eut commencé à Rome d’enseigner publiquement la science des lois, la jurisprudence jusqu’alors secrète échappa aux nobles, et leur puissance s’en trouva peu à peu affaiblie. La même chose arriva aux nobles des nouveaux royaumes de l’Europe dont les gouvernements avaient été d’abord aristocratiques, et qui devinrent successivement populaires et monarchiques[1]-[2].

  1. Ces deux dernières formes, convenant également aux gouvernements des âges civilisés, peuvent sans peine se changer l’une pour l’autre. Mais revenir à l’aristocratie, c’est ce qui est inconciliable avec la nature sociale de l’homme. Le vertueux Dion de Syracuse, l’ami du divin Platon, avait délivré sa patrie de la tyrannie d’un monstre ; il n’en fut pas moins assassiné pour avoir essayé de rétablir l’aristocratie. Les pythagoriciens, qui composaient toute l’aristocratie de la Grande Grèce, tentèrent d’opérer la même révolution et furent massacrés ou brûlés vifs. En effet, dès qu’une fois les plébéiens ont reconnu qu’ils sont égaux en nature aux nobles, ils ne se résignent point à leur être inférieurs sous le rapport des droits politiques, et ils obtiennent cette égalité dans l’état populaire ou sous la monarchie. Aussi voyons-nous le peu de gouvernements aristocratiques qui subsistent encore s’attacher, avec un soin inquiet et une sage prévoyance, à contenir la multitude et à prévenir de dangereux mécontentements. (Vico.)
  2. Bodin avoue que le royaume de France eut, non pas un gouvernement, comme nous le prétendons, mais au moins une constitution aristocratique sous les races mérovingienne et carlovingienne. Nous demanderons alors à