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HISTOIRE DE FRANCE.

vers le roi de Bourgogne, le bon Gontran. Celui-ci était en effet le meilleur de tous ces Mérovingiens. On ne lui reprochait que deux ou trois meurtres. Livré aux femmes, au plaisir, il semblait adouci par le commerce des Romains du Midi et des gens d’église ; il avait beaucoup de déférence pour ceux-ci ; « il était, dit Frédégaire, comme un prêtre entre les prêtres[1]. »

Gontran se déclara le protecteur de Frédégonde et de son fils Clotaire II. Frédégonde lui jura, et lui fît jurer par deux cents guerriers francs, que Clotaire était bien fils de Chilpéric. Ce bon homme semble chargé de la partie comique dans le drame terrible de l’histoire mérovingienne. Frédégonde se jouait de sa simplicité[2]. La mort de tous ses frères semble avoir vivement frappé son imagination. Il fit serment de poursuivre le meurtrier de Chilpéric jusqu’à la neuvième génération, « pour faire cesser cette mauvaise coutume de tuer les rois. » Il se croyait lui-même en péril. « Il arriva qu’un certain dimanche, après que le diacre eut fait faire silence au peuple, pour qu’on

  1. Une femme guérit son fils de la fièvre quarte, en lui donnant de l’eau où elle avait fait infuser une frange du manteau de Gontran. (Grégoire de Tours.)
  2. Grégoire de Tours : « Gontran protégeait Frédégonde et l’invitait souvent à des repas, lui promettant qu’il serait pour elle un solide appui, un certain jour qu’ils étaient ensemble, la reine se leva et dit adieu au roi, qui la retint en lui disant ; « Prenez encore quelque chose. » Elle lui dit : « Permettez-moi, je vous en prie, seigneur, car il m’arrive, selon la coutume des femmes, qu’il faut que je me lève pour enfanter. » Ces paroles le rendirent stupéfait, car il savait qu’il n’y avait que quatre mois qu’elle avait mis un fils au monde : il lui permit cependant de se retirer. »