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HISTOIRE DE FRANCE.

milieu même de ces bruyantes invasions de barbares, qui semblaient près de tout détruire, l’Église avait fait son chemin à petit bruit. Forte, patiente, industrieuse, elle avait en quelque sorte étreint toute la société nouvelle, de manière à la pénétrer. De bonne heure, elle avait abandonné la spéculation pour l’action ; elle avait repoussé la hardiesse du pélagianisme, ajourné la grande question de la liberté humaine.

Héritière du gouvernement municipal, l’Église était sortie des murs à l’approche des barbares ; elle s’était portée pour arbitre entre eux et les vaincus. Et une fois hors des murs, elle s’arrêta dans les campagnes. Fille de la cité, elle comprit que tout n’était pas dans la cité ; elle créa des évêques des champs et des bourgades, des chorévêques[1]. Sa protection s’étendit à tous : ceux même qu’elle n’ordonna point, elle les couvrit du signe protecteur de la tonsure. Elle devint un immense asile. Asile pour les vaincus, pour les Romains, pour les serfs des Romains ; les serfs se précipitèrent dans l’Église ; plus d’une fois on fut obligé de leur en fermer les portes ; il n’y eut personne pour cultiver la terre. Asile pour les vainqueurs, ils se réfugièrent dans l’Église contre le tumulte de la vie barbare, contre leurs passions, leurs violences, dont ils souffraient autant que les vaincus.

En même temps, d’immenses donations enlevaient

  1. Τοῦ χώρου ἐπίσϰοποι. — Dans les Capitulaires de Charlemagne, on les nomme : « Episcopi villani ; » — Hinemar, opusc. 33, c. xvi : vicani. — Canones Arabici Nicænæ Synodi : « Chorepiscopus est loco episcopi, super villas et monasteria, et sacerdotes villarum. » — Voy. le Glossaire de Ducange, t. II.