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HISTOIRE DE FRANCE.

chisme plus humble, plus laborieux, pour défricher la terre, devenue tout inculte et sauvage, pour défricher l’esprit des barbares. Mais l’Église irlandaise, animée d’un indomptable esprit d’individualité et d’opposition, n’était d’accord ni avec Rome, ni avec elle-même. Saint Gall, le principal disciple de saint Colomban, refusa de le suivre en Italie, resta en Suisse, et y travailla pour son compte[1]. Saint Colomban, passant alors en Italie, s’occupa de combattre l’arianisme des Orientaux ; c’était se tourner vers le monde fini, vers le passé, au lieu de regarder vers la Germanie, vers l’avenir. Comme il était encore sur le Rhin, il eut un instant l’idée d’entreprendre la conversion des Suèves ; plus tard, celle des Slaves. Un ange l’en détourna dans un songe, et, lui traçant une image du monde, il lui désigna l’Italie. Ce défaut de sympathie pour les Germains, pour les travaux obscurs de leur conversion, est-il la condamnation de saint Colomban et de l’Église celtique ? Les missionnaires anglo-saxons, disciples soumis de Rome, vont, avec le secours d’une dynastie

  1. Pour se dispenser de suivre Colomban en Italie, saint Gall prétendait avoir la fièvre.. « Ille vero existimans eum pro laboribus ibi consummandis amore loci detentum, viæ longioris detractare laborera, dicit ei : Scio, frater, jam tibi onerosum esse tantis pro me laboribus fatigari ; tamen hoc dicessurus denuntio, ne, vivente me in corpore, missam celebrare præsumas. » — Un ours vint servir saint Gall dans sa solitude, et lui apporter du bois pour entretenir son feu. Saint Gall lui donna un pain : « Hoc pacto montes et colles circumpositos habeto communes. » Poétique symbole de l’alliance de l’homme et de la nature vivante dans la solitude.