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HISTOIRE DE FRANCE.

cette Église, romaine d’esprit[1], germanique de langue, Rome eut prise sur la Germanie. Saint Colomban avait dédaigné de prêcher les Suèves. Les Celtes, dans leur dur esprit d’opposition à la race germanique, ne pouvaient être les instruments de sa conversion. Un principe de rationalisme anti-hiérarchique, un esprit d’individualité, de division, dominait l’Église celtique. Il fallait un élément plus liant, plus sympathique, pour attirer au christianisme les derniers venus des bar-

  1. Acta SS. ord. S. Ben., sæc. III. Le Pape Zacharie écrit à Boniface : « Provincia in qua natus et nutritus es, quam et in gentem Anglorum et Saxonum in Britannia insula primi prædicatores ab apostolica sede missi, Augustinus, Laurentius, Justus et Honorius, novissime vero tuis temporibus Theodorus, ex græco latinus, arte philosophus et Athenis eruditus, Romæ ordinatus, pallio sublimatus, ad Britanniam prætatam transmissus, judicabat et gubernabat… » — Ce Théodore, moine grec de Tarse en Cilicie, avait été envoyé pour remplir le siège de Kenterbury, par le pape Vitalien ; il était fort savant en astronomie, en musique, en métrique, en langues grecque et latine ; il apporta un Homère et un saint Chrysostome. Il était conduit par Adrien, moine napolitain, né en Afrique, non moins savant, et qui avait été deux fois en France. (Usque hodie supersunt de eorum discipulis, qui latinam græcamque linguam æque ut propriam norunt.) Sous eux, le moine northumbrien Benedict Biscop fit venir des artistes de France, et bâtit dans le Northumberland le monastère de Weremouth, selon l’architecture romaine ; les murs étaient ornés de peintures achetées à Rome et de vitres apportées de France. Un maitre chanteur avait été appelé de Saint-Pierre de Rome. (Beda, Hist. abbat. Wiremuth.) — Théodore et Adrien eurent pour élèves Alcuin et Aldhelm, parent du roi Ina, le premier Saxon qui ait écrit en latin, selon Camden ; il chantait lui-même ses Cantiones Saxonicœ dans les rues, à la populace. Guill. Malmesbury le qualifie : « Ex acumine Græcorum, ex nitore Romanum, ex pompa Anglum. » (Warton, Diss. on the introd. of learning into England, I, cxxii.)