Page:Michelet - Histoire de France - Lacroix 1880 tome 1.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
CARLOVINGIENS.

coup de répugnance aux barbares païens. Ces populations, plus fières que fanatiques, tenaient peut-être moins à leur religion qu’on ne l’a cru d’après leur résistance. Sous Louis le Débonnaire, les hommes du Nord se faisaient baptiser en foule ; la difficulté n’était que de trouver assez d’habits blancs ; tel s’était fait baptiser trois fois pour gagner trois habits[1].

Aussi, pendant que Charlemagne croit tout fini, et baptise les Saxons par milliers à Paderborn, le chef westphalien Witikind revient avec ses guerriers réfugiés dans le Nord, avec ceux mêmes du Nord, qui pour la première fois apparaissent en face des Francs. Défait dans la Hesse, Witikind rentre dans ses forêts et retourne chez les Danois pour revenir bientôt.

C’était précisément l’année 778, où les armes de Charlemagne recevaient un échec si mémorable à Roncevaux. L’affaiblissement des Sarrasins, l’amitié des petits rois chrétiens, les prières des émirs révoltés du nord de l’Espagne, avaient favorisé les progrès des Francs ; ils avaient poussé jusqu’à l’Èbre, et appelaient leurs campements en Espagne une nouvelle province,

  1. Un jour que l’on baptisait des Northmans, on manqua d’habits de lin, et on donna à l’un d’eux une mauvaise chemise mal cousue. Il la regarda quelque temps avec indignation, et dit à l’empereur : « J’ai déjà été lavé ici vingt fois, et toujours habillé de beau lin blanc comme neige ; un pareil sac est-il fait pour un guerrier ou pour un gardeur de pourceaux ? Si je ne rougissais d’aller tout nu, n’ayant plus mes habits et refusant les tiens, je te laisserais là ton manteau et ton Christ. » Moine de Saint-Gall. — Les Avares, alliés de Charlemagne, voyant qu’il faisait manger dans la salle leurs compatriotes chrétiens, et les autres à la porte, se firent baptiser en foule pour s’asseoir aussi à la table impériale.