Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/123

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bout de leur principe, n’osent donner la conclusion qui est au fond de leurs paroles.

Dans la seconde partie, qui lui est propre, celle où il examine ce que pourrait faire l’Europe si le roi était jugé, Brissot est tout autrement fort. Là il nage en pleine révolution, avec une liberté, une aisance vraiment remarquables ; il fait preuve de connaissances infiniment étendues ; il est plein de faits, de choses ; et tout cela emporté dans un tourbillon rapide qui ressemble à l’éloquence. Il frappe, en passant, des portraits, vifs et satiriques, des puissances de l’Europe, des rois et des peuples, les montre tous faibles, un seul excepté : la France. La France n’a rien à craindre, et c’est aux autres à trembler. Ah ! si les rois de l’Europe entendent bien leurs intérêts, qu’ils se gardent de nous attaquer : qu’ils s’éloignent, plutôt, qu’ils s’isolent… qu’ils tâchent, en allégeant le joug, de faire oublier à leurs peuples la constitution française et de détourner leurs regards du spectacle de la liberté !

Un souffle passa sur l’Assemblée, le souffle ardent de la Gironde, ressenti pour la première fois. « Ce ne furent pas des applaudissements, dit Madame Roland qui était présente, ce furent des cris, des transports. Trois fois, l’Assemblée entraînée s’est levée tout entière, les bras étendus, les chapeaux en l’air, dans un enthousiasme inexprimable. Périsse à jamais quiconque a ressenti ou partagé ces grands mouvements et qui pourrait encore reprendre des fers ! »