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ONZIÈME SIÈCLE

et son neveu, qu’il retenait comme otages. Guillaume le traita bien, mais il ne le laissa pas aller si aisément. D’abord, il le fit chevalier, et Harold devint ainsi son fils d’armes ; puis il lui fit jurer sur des reliques qu’il l’aiderait à conquérir l’Angleterre[1] après la mort d’Édouard. Harold devait en outre épouser la fille de Guillaume, et marier sa sœur à un comte normand. Pour mieux confirmer cette promesse de dépendance et de vasselage, Guillaume le mena avec lui contre les Bretons. C’est ainsi que, dans les Niebelungen, Siegfried devient vassal du roi Gunther en combattant pour lui[2]. Dans les idées du moyen âge, Harold s’était donc fait l’homme de Guillaume.

A la mort d’Édouard, comme Harold s’établissait tranquillement dans sa nouvelle royauté, il vit arriver un messager de Normandie, qui lui parla en ces termes : « Guillaume, duc des Normands, te rappelle le serment que tu lui as juré de ta bouche et de ta main, sur de bons et saints reliquaires[3]. » Harold répondit que le serment n’avait pas été libre, qu’il avait promis ce qui n’était pas à lui ; que la royauté était au peuple. « Quant à ma sœur, dit-il, elle est morte dans l’année. Veut-il que je lui envoie son corps ? » Guillaume répliqua sur un ton de douceur et

  1. App. 61.
  2. C’est ce que la femme de Gunther rappelle à celle de Siegfried, pour l’humilier.
  3. Chronique de Normandie : « Sire, je suis message de Guillaume le duc de Northmandie, qui m’envoie devers vous, et vous fait savoir que vous ayez mémoire du serment que vous lui feistes en Northmandie publiquement, et sur tant de bons saintuaires. »