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SUITE DE LA CROISADE. — LES COMMUNES

a perdu Adam, et qui le poursuit toujours dans ses fils.

Un mouvement tout contraire commença au douzième siècle. Le libre mysticisme entreprit de relever ce que la dureté sacerdotale avait traîné dans la boue. Ce fut surtout un Breton, Robert d’Arbrissel, qui remplit cette mission d’amour. Il rouvrit aux femmes le sein du Christ, fonda pour elles des asiles, leur bâtit Fontevrault, et il y eut bientôt des Fontevrault par toute la chrétienté[1]. L’aventureuse charité de Robert s’adressait de préférence aux grandes pécheresses ; il enseignait dans les plus odieux séjours la clémence de Dieu, son incommensurable miséricorde. « Un jour qu’il était venu à Rouen, il entra dans un mauvais lieu, et s’assit au foyer pour se chauffer les pieds. Les courtisanes l’entourent, croyant qu’il est venu pour faire folie. Lui, il prêche les paroles de vie, et promet la miséricorde du Christ. Alors, celle qui commandait aux autres lui dit : — Qui es-tu, toi qui dis de telles choses, tiens pour certain que voilà vingt ans que je suis entrée en cette maison pour commettre des crimes, et qu’il n’y est jamais venu personne qui parlât de Dieu et de sa bonté. Si pourtant je savais que ces choses fussent vraies !… — À l’instant, il les fit sortir de la ville, il les conduisit plein de joie au désert, et là, leur ayant fait faire pénitence, il les fit passer du démon au Christ[2]. »

C’était chose bizarre de voir le bienheureux Robert

  1. App. 83.
  2. Manuscrit de l’abbaye de Vaux-Cernay (cité par Bayle).