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HISTOIRE DE FRANCE

par son influence, retenu ce prélat dans le parti de Mathilde et de son fils. Ayant reçu seulement les premiers ordres, n’étant ainsi ni prêtre ni laïque, il se trouvait propre à tout et prêt à tout. Mais sa naissance était un grand obstacle ; il était, dit-on, fils d’une femme sarrasine, qui avait suivi un Saxon revenu de la terre sainte[1]. Sa mère semblait lui fermer les dignités de l’Église, et son père celles de l’État. Il ne pouvait rien attendre que du roi. Celui-ci avait besoin de pareilles gens pour exécuter ses projets contre les barons. Dès son arrivée en Angleterre, Henri rasa, en un an, cent quarante châteaux. Rien ne lui résistait, il mariait les enfants des grandes maisons à ceux des familles médiocres[2], abaissant ceux-là, élevant ceux-ci, nivelant tout. L’aristocratie normande s’était épuisée dans les guerres d’Étienne. Le nouveau roi disposait contre elle des hommes d’Anjou, de Poitou et d’Aquitaine. Riche de ses États patrimoniaux et de ceux de sa femme, il pouvait encore acheter des soldats en Flandre et en Bretagne. C’est le conseil que lui avait donné Becket. Celui-ci était devenu l’homme nécessaire dans les affaires et dans les plaisirs. Souple et hardi, homme de science, homme d’expédients, et avec cela bon compagnon, partageant ou imitant les goûts de son maître. Henri s’était donné sans réserve à cet homme, et non seulement lui, mais son fils, son

  1. Elle ne savait que deux mots intelligibles pour les habitants de l’Occident, c’étaient Londres, et Gilbert, le nom de son amant. À l’aide du premier, elle s’embarqua pour l’Angleterre ; arrivée à Londres, elle courait les rues en répétant : « Gilbert ! Gilbert ! » et elle retrouva celui qu’elle appelait.
  2. Radulph. Niger.