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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

ment ; les hommes d’armes entreprirent de le tirer hors de l’église, se faisant scrupule de l’y tuer. Il se débattit contre eux, et déclara fermement qu’il ne sortirait point, et les contraindrait à exécuter sur la place même leurs intentions ou leurs ordres[1]. — Et se tournant vers un autre qu’il voyait arriver l’épée nue, il lui dit : « Qu’est-ce donc, Renaud ? je t’ai comblé de bienfaits, et tu approches de moi tout armé, dans l’église ? » Le meurtrier répondit : « Tu es mort. » — Puis il leva son épée, et d’un même coup de revers trancha la main d’un moine saxon appelé Edward Cryn, et blessa Becket à la tête. Un second coup, porté par un autre Normand, le renversa la face contre terre, et fut asséné avec une telle violence que l’épée se brisa sur le pavé. Un homme d’armes, appelé Guillaume Mautrait, poussa du pied le cadavre immobile, en disant : « Qu’ainsi meure le traître qui a troublé le royaume et fait insurger les Anglais. »

Ils disaient en s’en allant : « Il a voulu être roi, et plus que roi ; eh bien ! qu’il soit roi maintenant[2] ! » Et au milieu de ces bravades, ils n’étaient pas rassurés. L’un d’eux rentra dans l’église, pour voir s’il était bien mort ; il lui plongea encore son épée dans la tête, et fit jaillir la cervelle[3]. Il ne pouvait le tuer à son gré.

C’est en effet une chose vivace que l’homme ; il n’est pas facile de le détruire. Le délivrer du corps, le guérir de cette vie terrestre, c’est le purifier, l’orner et

  1. Thierry.
  2. « Modo sit rex, modo sit rex. » Et in hoc similes illis qui Domino in crucu pendenti insultabant. (Vit. quadrip.)
  3. Ibid.