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HISTOIRE DE FRANCE

Il ne crut pas encore en avoir fait assez : il se rendit à Kenterbury. Du plus loin qu’il vit l’église, il descendit de cheval, et s’achemina en habit de laine, nu-pieds par la boue et les cailloux. Parvenu au tombeau, il s’y jeta à genoux, pleurant et sanglotant : « C’était un spectacle à tirer les larmes des yeux de tous les assistants. » Puis il se dépouilla de ses vêtements, et tout le monde, évêques, abbés, simples moines, fut invité à donner successivement au roi quelques coups de discipline. « Ce fut comme la flagellation du Christ, dit le chroniqueur ; la différence, toutefois, c’est que l’un fut fouetté pour nos péchés, l’autre pour les siens[1]. » « Tout le jour et toute la nuit il resta en oraison auprès du saint martyr, sans prendre d’aliment, sans sortir pour aucun besoin. Il resta tel qu’il était venu ; il ne permit pas même qu’on mît sous lui un tapis. Après matines, il fit le tour des autels et des corps saints ; puis, de l’église supérieure, il redescendit encore dans la crypte, au tombeau de saint Thomas. Quand le jour vint, il demanda à entendre la messe ; il but de l’eau bénite du martyr, en remplit un flacon, et s’éloigna joyeux de Kenterbury. »

Il avait raison, ce semble, d’être joyeux : pour le moment, la partie était gagnée. On lui apprit ce jour même que le roi d’Écosse était devenu son prisonnier. Le comte de Flandre n’osa tenter l’invasion. Tous les partisans du jeune roi en Angleterre furent forcés dans leurs châteaux. En Aquitaine, la guerre eut des chances plus variées. Les jeunes princes y étaient soutenus

  1. Robert du Mont.