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HISTOIRE DE FRANCE

craient les jours et les nuits. Ils mangeaient leurs revenus à table, dans de petites et misérables maisons. Bien différents des Français et des Normands, qui, dans leurs vastes et superbes édifices, ne font que très peu de dépense. De là tous les vices qui accompagnent l’ivrognerie, qui efféminent le cœur des hommes. Aussi, après avoir combattu Guillaume avec plus de témérité et d’aveugle fureur que de science militaire, vaincus sans peine en une seule bataille, ils tombèrent eux et leur patrie dans un dur esclavage. — Les habits des Anglais leur descendaient alors jusqu’au milieu du genou ; ils portaient des cheveux courts, et la barbe rasée ; leurs bras étaient chargés de bracelets d’or, leur peau était relevée par des peintures et des stigmates colorés ; leur gloutonnerie allait jusqu’à la crapule, leur passion pour la boisson jusqu’à l’abrutissement. Ils communiquèrent ces deux derniers vices à leurs vainqueurs ; et, à d’autres égards, ce furent eux qui adoptèrent les mœurs des Normands. De leur côté, les Normands étaient et sont encore (au milieu du douzième siècle, époque où écrivait Guillaume de Malmesbury) soigneux dans leurs habits jusqu’à la recherche, délicats dans leur nourriture, mais sans excès, accoutumés à la vie militaire et ne pouvant vivre sans guerre ; ardents à l’attaque, ils savent, lorsque la force ne suffit pas, employer également la ruse et la corruption. Chez eux, comme je l’ai dit, ils font de grands édifices et une dépense modérée pour la table. Ils sont envieux de leurs égaux ; ils voudraient dépasser leurs supérieurs, et, tout en dépouillant leurs inférieurs, ils les protègent contre les étrangers. Fidèles à leurs seigneurs, la moindre offense les rend pourtant infidèles. Ils savent peser la perfidie avec la fortune, et vendre leur serment. Au reste, de tous les peuples ils sont les plus susceptibles de bienveillance ; ils rendent aux étrangers autant d’honneur qu’à leurs compatriotes, et ils ne dédaignent point de contracter des mariages avec leurs sujets. » (Willelm. Malmesburiensis, de Gestis regum Anglorum, l. III, ap. Scr. fr. XI, 185.) — Math. Paris (éd. 1644), p. 4 : « Optimates (Saxonum)… more christiano ecclesiam mane non petebant, sed in cubiculis et inter uxorios amplexus matutinarum solemnia ac missarum a presbytero festinantes auribus tantum prælibabant… Clerici… ut esset stupori qui grammaticam didicisset. » — Order. Vital, l. IV, ap. Scr. fr. XI, 242 : « Anglos agrestes et pene illiteratos invenerunt Normanni. »


61 — page 150Harold livré à Guillaume

Guill. Pictav., ap. Scr. fr. XI, 87 : « Heraldus ei fidelitatem sancto ritu Christianorum juravit… Se in curia Edwardi, quamdiu supe-