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HISTOIRE DE FRANCE

d’épice, bons petits draps, petit vin admirable, des foires et des pèlerinages.

Ces villes, essentiellement démocratiques et anti-féodales, ont été l’appui principal de la monarchie. La coutume de Troyes, qui consacrait l’égalité des partages, a de bonne heure divisé et anéanti les forces de la noblesse. Telle seigneurie qui allait ainsi toujours se divisant put se trouver morcelée en cinquante, en cent parts, à la quatrième génération. Les nobles appauvris essayèrent de se relever en mariant leurs filles à de riches roturiers. La même coutume déclare que le ventre anoblit[1]. Cette précaution illusoire n’empêcha pas les enfants des mariages inégaux de se trouver fort près de la roture. La noblesse ne gagna pas à cette addition de nobles roturiers. Enfin ils jetèrent la vaine honte, et se firent commerçants.

Le malheur, c’est que ce commerce ne se relevait ni par l’objet ni par la forme. Ce n’était point le négoce lointain, aventureux, héroïque, des Catalans ou des Génois. Le commerce de Troyes, de Reims, n’était pas de luxe ; on n’y voyait pas ces illustres corporations, ces Grands et Petits Arts de Florence, où des hommes d’État, tels que les Médicis, trafiquaient des nobles produits de l’Orient et du Nord, de soie, de fourrures, de pierres précieuses. L’industrie champenoise était profondément plébéienne. Aux foires de Troyes, fréquentées de toute l’Europe, on vendait du fil, de petites étoffes, des bonnets de coton, des cuirs[2] : nos tanneurs

  1. App. 35.
  2. Urbain IV était fils d’un cordonnier de Troyes. Il y bâtit Saint-Urbain, et fit représenter sur une tapisserie son père faisant des souliers.