la lignée des ducs de Bretagne. Telle était la terreur qu’inspirait ce nom que, depuis quatorze ans, personne n’avait osé parler.
L’accusation était étrange[1]. Une vieille femme, qu’on appelait la Meffraie, parcourait les campagnes, les landes ; elle approchait des petits enfants qui gardaient les bêtes ou qui mendiaient, elle les flattait et les caressait, mais toujours en se tenant le visage à moitié caché d’une étamine noire ; elle les attirait jusqu’au château du sire de Retz, et on ne les revoyait plus… Tant que les victimes furent des enfants de paysans qu’on pouvait croire égarés, ou encore de pauvres petites créatures comme délaissées de leur famille, il n’y eut aucune plainte. Mais, la hardiesse croissant, on en vint aux enfants des villes. Dans la grande ville même, à Nantes, dans une famille établie et connue, la femme d’un peintre ayant confié son jeune frère aux gens de Retz qui le demandaient pour le faire enfant de chœur à la chapelle du château, le petit ne reparut jamais.
Le duc de Bretagne accueillit l’accusation ; il fut ravi de frapper sur les Laval[2]; l’évêque avait à se venger du sire de Retz, qui avait forcé à main armée une de ses églises. Un tribunal fut formé de l’évêque, chancelier de Bretagne, du vicaire de l’inquisition et de Pierre de l'Hospital, grand juge du duché. Retz, qui