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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/197

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DISCORDES DE L’ANGLETERRE. — ÉTAT DE LA FRANCE

sans doute eût pu fuir, se crut trop fort pour rien craindre, et se laissa prendre.

Ce Gilles de Retz était un très grand seigneur, riche de famille, riche de son mariage dans la maison de Thouars, et qui de plus avait hérité de son aïeul maternel, Jean de Craon, seigneur de la Suze, de Chantocé et d’Ingrande. Ces barons des Marches du Maine, de Bretagne et de Poitou, toujours nageant entre le roi et le duc, étaient, comme les Marches, entre deux juridictions, entre deux droits, c’est-à-dire hors du droit. On se rappelle Clisson le boucher et son assassin Pierre de Craon. Quant à Gilles de Retz, dont il s’agit ici, il semblait fait pour gagner la confiance. C’était, dit-on, un seigneur « de bon entendement, belle personne et bonne façon », lettré de plus, et appréciant fort ceux qui parlaient avec élégance la langue latine[1]. Il avait bien servi le roi, qui le fit maréchal, et qui, au sacre de Reims, parmi ces sauvages Bretons que Richemont conduisait, choisit Gilles de Retz pour quérir à Saint-Remy et porter la Sainte Ampoule !… Retz, malgré ses démêlés avec l’évêque, passait pour dévot ; or, une dévotion alors fort en vogue, c’était d’avoir une riche chapelle et beaucoup d’enfants de chœur qu’on élevait à grands frais ; à cette époque la musique d’Église prenait l’essor en Flandre, avec les encouragements des ducs de Bourgogne. Retz avait, tout comme un prince, une nombreuse musique, une grande troupe d’enfants de chœur, dont il se faisait suivre partout.

  1. Manuscrit des Archives de Nantes.