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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/278

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HISTOIRE DE FRANCE

un soldat lui met, sans le connaître, sa dague dans la gorge. Le désastre des Anglais fut complet : au rapport des hérauts, chargés de compter les morts, ils en laissèrent quatre mille sur la place.

La Guyenne fat reprise, moins Bordeaux, que l’on resserra en occupant tout ce qui l’environnait. Du côté même de la mer, la flotte anglaise et bordelaise ne put empêcher celle du roi de venir fermer la Gironde. À vrai dire, il n’y avait pas de flotte royale ; mais la rivale de Bordeaux, La Rochelle, avait envoyé seize vaisseaux armés[1]; la Bretagne en avait prêté d’autres, auxquels s’étaient joints quinze gros navires hollandais[2] sans compter ceux que le roi avait pu emprunter en Castille.

Cette grande ville de Bordeaux avait pour garnison toute une armée, anglaise et gasconne ; mais le nombre même était un inconvénient pour une ville qui ne recevait plus de vivres ; d’autre part, entre ces défenseurs


    troit bien. À quoi il respondit joyeusement, croyant qu’il fust encore vivant… Et sur ce, il fut mené au lieu… et on luy dist : Regardez si c’est là vostre maistre. Lors il changea tout à coup de couleur, sans de prime face donner encore son jugement… Neantmoins il se mit à genoux, et dit qu’incontinent on en sçauroit la vérité ; et lors il lui fourra l’un des doigts de sa main dextre dans sa bouche pour chercher au costé gauche l’endroit d’une dent maceler qu’il sçavoit de certain qu’il avoit perdue… Et incontinent… luy estant à genoux, il le baisa en la bouche, en disant ces mots : « Monseigneur mon « maistre, Monseigneur mon maistre, ce estes-vous ! je prie à Dieu qu’il vous « pardonne vos meffaits ! J’ay esté vostre officier d’armes quarante ans, ou « plus ; il est temps que je vous le rende ! ». . en faisant piteux crys et lamentations, et en rendant eau par les yeux très piteusement. Et lors, il devestit sa cotte d’armes et la mit sur son dict maistre. (Mathieu de Couci.)

  1. App. 119.
  2. Mathieu de Couci dit à tort que ces vaisseaux appartenaient au duc de Bourgogne ; le duc avait en ce moment, ainsi qu’on le verra, des intérêts tout opposés à ceux du roi, il était fort mécontent de lui. Il est probable que les Hollandais, sujets fort indépendants de Philippe, envoyèrent ces vaisseaux malgré lui.