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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/282

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HISTOIRE DE FRANCE

Le bon Henri prenait tout en patience. Humble au milieu de ses orgueilleux lords, vêtu comme le moindre bourgeois de Londres[1], ami des pauvres et charitable, tout pauvre qu’il était lui-même. Tout le temps qu’il ne passait pas au conseil, il l’employait à lire les anciennes histoires, à méditer la Sainte-Écriture. Cet âge dur le nomma un simple ; au moyen âge, c’eût été un saint. Il parut généralement au-dessous de la royauté, et quelquefois il était au-dessus ; en dédommagement de la prudence vulgaire qui lui manquait, il semble avoir été, en certains moments, éclairé d’un rayon d’en haut[2].

Ce fut le sort de cet homme de paix[3] de passer toute sa vie au milieu des discordes, d’assister à une interminable discussion sur son propre droit. On voit, par quelques sages paroles qui restent de lui, qu’il ne rassurait sa conscience que par la longue possession[4]. Il


    et faire leurs provisions ne sçavoient où avoir et recouvrer argent ; car on ne vouloit plus rien leur bailler et délivrer sans argent comptant. » (Mathieu de Couci.)

  1. App. 120.
  2. Lorsqu’il était enfermé à la Tour, il crut voir une femme qui voulait noyer son enfant ; il avertit ; on trouva la femme, et l’enfant fut sauvé.
  3. Cet esprit de paix se montre à merveille dans le fait suivant : « Edmond Gallet dit qu’il fut envoyé au roy d’Angleterre pour l’inviter à faire une descente en Normandie pendant que le roy de France étoit occupé contre son fils en Dauphiné. Sur quoy le roy d’Angleterre demanda quelle personne estoit son oncle de France, et l’envoyé répondit qu’il ne l’avoit vu qu’une fois à cheval et luy sembla gentil prince, et une autre fois en une abbaye de Caën, où il lisoit une chronique, et lui sembla estre le mieux lisant qu’il vist oncques. Après quoy le roy d’Angleterre dit qu’il s’étonnoit comment les princes de France avoient si grande volonté de luy faire desplaisir ; puis il ajouta : « Au fait, autant m’en font ceux de mon pays. »
  4. « Mon père a régné paisiblement jusqu’au bout de sa vie. Son père, mon aïeul, fut aussi roi. Et moi, dès le berceau, j’ai été couronné, reconnu par