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V


Cet homme mort, c’est la vieille France ; cette bière, c’est le cercueil de l’ancienne monarchie. Mettons-y bien pour toujours les songes dont nous fûmes bercés, la royauté paternelle, le gouvernement de la Grâce, la clémence du monarque et la charité du prêtre, la confiance filiale, l’abandon aux dieux d’ici-bas.

La fiction de ce vieux monde, la légende trompeuse qu’il eut toujours à la bouche, c’était de mettre l’Amour à la place de la Loi.

S’il peut renaître, ce monde presque anéanti au nom de l’amour, meurtri par la charité, navré par la Grâce, il renaîtra par la Loi, la Justice et l’équité.

Blasphème ! ils avaient opposé la Grâce à la Loi, l’Amour à la Justice… Comme si la grâce injuste pouvait être encore la grâce, comme si ces choses que notre faiblesse divise n’étaient pas deux aspects du même, la droite et la gauche de Dieu.

Ils ont fait de la Justice une chose négative, qui défend, prohibe, exclut, un poteau pour arrêter, un couteau pour égorger… Ils ne savent pas que la Justice c’est l’œil de la Providence. L’amour, aveugle chez nous, clairvoyant en Dieu, voit par la Justice. Regard vital et fécond. Une force prolifique est dans la Justice de Dieu. Toutes les fois qu’elle touche la terre, celle-ci est heureuse, elle enfante. Le soleil et