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villes, aux prélats, aux grands[1]. Cet exemple, sans nul doute, la rendit moins contraire aux idées de Necker ; elle consentit à donner au Tiers autant de députés qu’en avaient la Noblesse et le Clergé réunis.

Et Necker, que voulait-il ? Deux choses tout à la fois, montrer beaucoup et faire peu.

Pour la montre, pour la gloire, pour être célébré, exalté des salons, du grand public, il fallait généreusement doubler les députés du Tiers.

En réalité, on voulait être généreux à bon marché[2].

Le Tiers, plus ou moins nombreux, ne ferait toujours qu’un des trois ordres, n’aurait qu’une voix contre deux ; Necker comptait bien maintenir le vote par ordres, qui avait tant de fois paralysé les anciens États généraux.

Le Tiers d’ailleurs, dans tous les temps, avait été

  1. Sur la révolution brabançonne, si différente de la nôtre, voir les documents recueillis par Gachard (1834), Gérard (1842), et les histoires de Gross-Hoffinger (1837), Borgnet (1844) et Ramshorn (1845). Cette révolution d’annés, dont les capucins furent les terroristes, trompa ici tout le monde, et la cour, et les jacobins. Dumourize seul comprit et dit qu’elle était primitivement l’œuvre des puissants abbés des Pays-Bas. L’ambassadeur d’Autriche, M. de Mercy-Argenteau, crut d’abord et sans doute fit croire à Marie-Antoinette qu’en France le péril était, comme en Belgique, du côté de l’aristocratie. De là, plusieurs fausses démarches.
  2. Il faut lire sur tout cela les curieux aveux de Necker, son plaidoyer pour le Tiers. (Œuvres, VI, 410, 443, etc.) Là, comme dans tous ses ouvrages, on sent toujours un étranger, peu solide en France, un commis toujours commis, qui parle le chapeau à la main devant la Noblesse, un protestant qui voudrait trouver grâce devant le Clergé.

    Pour rassurer les privilégiés sur ce pauvre Tiers, il le leur présente faible, timide, à genoux ; il a l’air de leur faire des signes d’intelligence… Il fait entendre de reste que son client est bon homme, qu’on pourra toujours donner le change.