Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/173

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anoblis de grand talent, mais violents et de faible tête, Cazalès et d’Espreménil, embrouillèrent la question et parvinrent à éluder ce dernier moyen de salut, à repousser la planche que le roi leur tendait dans leur naufrage (6 juin).

Un mois de retard, après le retard des trois ajournements qu’avait subis la convocation ! un mois, en pleine famine !… Notez que, dans cette grande attente, les riches se tenaient immobiles, ajournaient toute dépense. Le travail avait cessé. Celui qui n’a que ses bras, son travail du jour pour nourrir le jour, allait chercher du travail, n’en trouvait pas, mendiait, ne recevait pas, volait… Des bandes affamées couraient le pays ; où il y avait résistance, elles devenaient furieuses, tuaient, brûlaient… L’effroi s’étendait au loin ; les communications cessaient, la disette allait croissant. Mille contes absurdes circulaient. C’étaient, disait-on, des brigands payés par la cour. Et la cour rejetait l’accusation sur le duc d’Orléans.

La position de l’assemblée était difficile. Il lui fallait siéger inactive, lorsque tout le remède qu’on pouvait espérer était dans son action. Il lui fallait fermer l’oreille en quelque sorte au cri douloureux de la France, pour sauver la France même, lui fonder la liberté !…

Le Clergé aggrava cette position cruelle et s’avisa contre le Tiers d’une invention vraiment pharisienne. Un prélat vint, dans l’assemblée, pleurer sur le pauvre peuple, sur la misère des campagnes. Devant les quatre mille personnes qui assistaient à la séance,