Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/205

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La veille du grand jour, à minuit, trois députés nobles, MM. d’Aiguillon, de Menou, de Montmorency, vinrent avertir le président des résultats du dernier conseil, tenu le soir même à Versailles : « M. Necker n’appuiera pas de sa présence un projet contraire au sien, il n’ira pas à la séance, et sans doute il va partir. » La séance s’ouvrait à dix heures ; Bailly put dire aux députés, et ceux-ci à bien d’autres, le grand secret de la journée. L’opinion eût pu se diviser, prendre le change, si l’on eût vu le ministre populaire siéger à côté du roi ; lui absent, le roi restait découvert, délaissé de l’opinion. La cour espérait faire son coup, sous l’abri de Necker, à ses dépens ; elle ne lui a jamais pardonné de ne point s’être laissé abuser et déshonorer par elle.

Ce qui prouve que tout était su, c’est qu’à la sortie même du château, le roi trouva dans la foule un morne silence[1]. L’affaire était éventée, la grande scène tant préparée n’avait plus d’effet.

Le misérable petit esprit d’insolence qui menait la cour avait fait imaginer de faire entrer les deux ordres supérieurs par devant, par la grande porte, les Communes par derrière, de les tenir sous un hangar, moitié à la pluie. Le Tiers, ainsi humilié, sali et mouillé, serait entré tête basse, pour recevoir sa leçon.

Personne pour introduire, porte fermée, la garde au dedans. — Mirabeau au président : « Monsieur,

  1. Dumont (témoins oculaire), p. 91.